Filtrer l’eau du robinet pour éviter les bouteilles en plastique

Article publié le
Les Français jettent 25 millions de bouteilles en plastique chaque jour. Les marques créent une certaine méfiance vis-à-vis de la qualité de l'eau du robinet, pourtant très contrôlée, pour pallier à la prise de conscience environnementale. Mais doit-on réellement se méfier ? Et que penser des différents appareils de filtration domestique ? Découvrez différentes méthodes pour filtrer l’eau du robinet.
Goutte d'eau

Filtrer l’eau du robinet permet des économies non négligeables ainsi qu’un impact environnemental moindre. 
|

Selon le 19e baromètre TNS Sofres 2015 sur la qualité de l’eau, 81 % des sondés ont confiance en la qualité de l’eau du robinet (72 % sont satisfaits de la qualité de leur eau et 66 % en boivent au quotidien). Pourtant, les Français restent de très gros consommateurs d’eau minérale (ou de source). Une eau en moyenne 200 fois plus chère que l’eau du robinet et dont l’impact environnemental est très lourd : chaque bouteille parcourt en moyenne 300 km en camion.

Malgré les discours officiels rassurants (« l’eau du robinet est le produit le plus contrôlé… ») et malgré les importants moyens mis en œuvre pour l’amélioration et le suivi de la qualité de l’eau des captages, les Français n’ont pas toujours connaissance des services invisibles rendus. Aussi, les Français se disent fortement préoccupés par la pollution des ressources en eau et continuent de mieux s’informer via des organismes de proximité, notamment auprès des municipalités.

 

Ressource en eau menacée

En réalité, les Français ont raison de s’inquiéter de la qualité de la ressource en eau (rivières et nappes souterraines), plus que de celle de l’eau potable, dont la qualité est en général bonne et plutôt en amélioration. Car la ressource en eau ne cesse de se dégrader, essentiellement du fait des pollutions agricoles – nitrates et surtout pesticides – et de l’incapacité des pouvoirs publics à faire évoluer les pratiques agricoles. Résultat, les pesticides se retrouvent dans la quasi totalité des cours d’eau et dans une grande partie des eaux souterraines. En résumé, selon Que Choisir, on peut être rassuré aujourd’hui, mais de lourdes menaces pèsent sur l’avenir.

 

Polluants émergeant

Bien que les normes de potabilité soient incomplètes et contestées, sur le plan national, l’eau du robinet est conforme (99,99 % de conformité en Bretagne). Les normes ne prennent pas encore en compte certains polluants émergeant comme les perturbateurs endocriniens, les résidus de médicaments et les produits de dégradation des molécules chimiques – qui peuvent être aussi toxiques que la molécule d’origine. De plus elles ne tiennent pas compte de l’effet des très faibles doses et de l’effet cocktail dû à la présence de plusieurs polluants susceptibles d’inter-réagir. Résultat : cela fait tout de même près de 3 millions de personnes qui paient pour une eau non potable et c’est inacceptable.

Le Comité de recherches et d’informations indépendantes sur l’eau (CriiEAU), animée par des spécialistes, propose d’intégrer dans les analyses réglementaires un test biologique global sur des cellules humaines, rapide, très sensible et fiable qui permettrait de prendre en compte ces effets. Elle pointe également les virus résistants à la chloration qui sont à l’origine de nombreuses épidémies de gastro-entérites virales hivernales et surtout la présence de bactéries porteuses de gènes de résistance aux antibiotiques issues des élevages intensifs et qui transmettent cette résistance à d’autres bactéries jusqu’à l’homme. Claude Danglot, médecin et ingénieur hydrologue, responsable scientifique du CriiEAU cite l’exemple du Danemark qui a interdit les antibiotiques dans l’élevage animal en 1995 et a vu s’effondrer en quelques années l’antibiorésistance humaine (1). Comme d’autres scientifiques, il dénonce également la pollution de l’eau par des sous-produits des techniques de potabilisation, comme l’aluminium (utilisé parfois comme floculant), le fluor ou les composés chlorés et bromés.

 

 

Quels filtres ?

Pour rendre potable l’eau de pluie ou celle d’un forage, il est indispensable de s’équiper de systèmes de filtration. Pourquoi ne pas le faire pour l’eau du robinet lorsque sa qualité ne nous satisfait pas ? Joseph Orszagh, chercheur belge et grand spécialiste de la potabilisation de l’eau de pluie 2, estime même que la filtration doit être encore plus poussée avec l’eau du réseau.

On vient de voir ce qu’il faut éliminer de notre eau de boisson, reste à savoir quels sont les procédés les plus appropriés pour y parvenir. Passons en revue ceux qui sont accessibles aux particuliers.

Filtres à sédiments

Qu’ils soient en cellulose ou en matériaux synthétiques, ces filtres diminuent la turbidité de l’eau en éliminant les plus grosses particules. Ils sont utilisés comme pré-filtres pour protéger du colmatage les appareils de filtration proprement dits. Leur enveloppe transparente permet de visualiser le moment où il faut changer ou nettoyer la cartouche.

Les carafes filtrantes

Les Français sont plus de 20 % à en utiliser. Elles associent généralement dans leurs petites cartouches du charbon actif et des résines échangeuses d’ions. Le charbon actif retient le chlore et une partie des résidus de pesticides grâce à l’exceptionnelle surface de contact de ses pores. Les résines, selon leur composition, captent une partie du calcium (pour le remplacer par du sodium comme dans les adoucisseurs), certains métaux comme le plomb ou une partie des nitrates. Les tests réalisés par Que Choisir et 60 millions de consommateurs ont montré une bonne efficacité pour le chlore et les mauvais goûts, mais des résultats irréguliers ou assez peu probants sur les autres critères. De plus les cartouches peuvent relarguer des bactéries ou des particules issues du charbon actif ou des résines lors de leur mise en route et en fin de cycle. Certaines carafes enrichissent l’eau en éléments indésirables : phtalates (issus du polycarbonate), sodium (résines) ou sels d’argent (utilisé comme anti-bactérien). Les filtres de robinet, qui ont une capacité de deux à six mois, sont un peu plus efficaces.

Filtres à céramique et charbon actif

L’association de ces deux techniques complémentaires – souvent dans une même grosse cartouche que l’on installe sur ou sous l’évier avec un robinet dédié – permet d’obtenir un excellent niveau de filtration, instantanément et avec un débit raisonnable. L’eau passe d’abord à travers les innombrables pores de la cartouche de charbon actif compressé sur lesquelles se fixent (par adsorption) polluants organiques, résidus de pesticides ou de médicaments, métaux lourds et chlore, puis elle traverse les micro-pores de 0,5 à 0,2 microns de la céramique qui retient les bactéries et les résidus chimiques les plus fins. Seuls lui échappent les virus, les nitrates et les minéraux dissous.

Filtres à osmose inverse

C’est de loin le système de filtration le plus performant qui élimine tous les polluants et même 85 à 99 % des sels minéraux. Mais le débit est faible et l’appareil complexe : la membrane doit être protégée par deux pré-filtres, un de 5 microns pour éviter le colmatage et une cartouche de charbon actif pour éliminer le chlore qui attaque ce type de membrane (inutile avec de l’eau de pluie). Il faut également une pompe pour augmenter la pression, un réservoir de stockage et un second filtre à charbon actif pour éviter toute re-contamination bactérienne. À réserver aux eaux du réseau dont les taux de nitrates moyens dépassent les 25 mg/litre (signe d’une eau très touchée par les pollutions agricoles) ou qui présentent parfois des dépassements de normes de pollution. Certains spécialistes reprochent à l’eau osmosée de de plus contenir suffisamment de minéraux et d’être une eau “morte” ; Joseph Orszagh conseille d’y ajouter une cuillère à café de jus de citron par litre.

Stérilisateurs par ultraviolets

Une lampe UV gainée de quartz expose l’eau qui passe dans un tube inox reflétant les rayons. Ce système est plus efficace que les désinfectants chimiques contre les bactéries, virus, parasites et autres germes sans modifier la composition chimique de l’eau. Mais il est assez coûteux et doit être précédé d’un filtre à sédiments. De même, une eau calcaire nécessite un nettoyage régulier de la lampe. Mais Joseph Orszagh déconseille le traitement aux UV car des effets négatifs ont été observés sur les plantes arrosées avec cette eau et sur la germination des graines.

Dynamiseurs, revitaliseurs

Il est difficile de se forger un avis objectif sur ce type d’appareils mettant en œuvre des méthodes empiriques, souvent peu reproductibles et peu crédibles d’un point de vue scientifique. Ils sont nombreux et souvent fort coûteux. La priorité doit rester d’assurer une bonne filtration pour éliminer les polluants.

Dans la majorité des cas, la microfiltration associant céramique et charbon actif nous semble le meilleur compromis pour la filtration domestique. Ce n’est qu’un compromis… De nouvelles membranes à base de carbone ou les techniques de photolyse, commencent à être testées dans les usines de potabilisation. Peut-être apporteront-elles quelques avancées dont pourraient profiter plus tard les filtres domestiques, mais ne nous y trompons pas, les vraies solutions sont collectives : si nous voulons garantir à l’avenir un accès pour tous à une eau de qualité, il faut changer de modèle de développement et cesser de polluer nos ressources en eau.

(1) Depuis 2006, l’utilisation systématique des antibiotiques dans l’alimentation du bétail comme facteur de croissance est interdite. Mais les usages vétérinaires sont encore trop importants.

 

Antoine Bosse-Platière