L’autonomie alimentaire grâce au jardin

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L’autonomie alimentaire, c'est l'objectif de nombreux jardiniers. Chaque mois, en vidéo, David Latassa, abonné aux 4 saisons explique comment il réussit à s'en approcher. Découvrez ses secrets de l'autonomie et de la permaculture.
David nourrit ses poules

Secrets d’abonnés : autonomie et permaculture avec David

Abonnés aux 4 saisons, David Latassa et sa femme Catherine sont installés en Isère. Dans leur famille, il n’y a pas un seul repas de l’année sans produit du jardin, frais ou transformé ! Au fil des épisodes, découvrez les pratiques de ces jardiniers adeptes de permaculture… et partagez les bonnes idées, les réussites et parfois les difficultés…

 

En savoir plus : David et Catherine Latassa, le jardin vivrier en héritage

David et Catherine Latassa s’inspirent du potager de leurs parents et grands-parents et cultivent en bio un grand jardin. Un reportage publié dans le n°232 des 4 saisons.

« Si mon grand-père voyait mon potager, il dirait “c’est un vrai bazar” ! » Cette scène pourrait figurer dans le film de Martin Esposito, Le Potager de mon grand-père. Pourtant, elle se passe en Isère, dans le jardin de Catherine et David Latassa. Ce dernier ne cache d’ailleurs pas que le film l’a ému et qu’il s’est reconnu dans cette histoire de transmission. Car, ici aussi, on sème, on cueille, on produit ses graines, on fait des conserves… dans la droite lignée familiale. « Petit, je jardinais avec mon grand-père et mon père, en Lorraine. Ils m’ont légué leur savoir, des semences et cette envie de cultiver un jardin vivrier », raconte David Latassa.

UNE CENTAINE DE PIEDS DE TOMATES

Des années plus tard, c’est au pied du massif de la Chartreuse, à 30 km de Grenoble, que ce pompier professionnel et son épouse Catherine, enseignante, cultivent leur potager nourricier. Fin 2005, ils achètent une maison à Saint-Aupre, à 460 m d’altitude, séduits par le terrain de 6 000 m2 entouré d’un champ de noyers et d’un petit bois. Un an après, ils se lancent et fabriquent assez vite une petite serre à arceaux de 18 m2. « Au début, elle était pour les tomates. Puis on a réalisé qu’elle pouvait servir pour avoir de la verdure toute l’année, même en hiver. »
Une petite révolution, qui les incite à remodeler leur terrain. Ils transforment le potager de l’ancien propriétaire en un jardin d’agrément dédié aux aromatiques et aux fleurs et dessinent un nouveau potager sur une parcelle plus grande et plus ensoleillée, d’environ 500 m2.

Au fil des ans, ils plantent une trentaine d’arbres fruitiers (pommiers, poiriers, abricotiers, noisetiers, pruniers, pêchers, néflier, kaki, amandier…) et des dizaines de petits fruits, autour de la maison et dans un verger d’environ 800m2. Une partie de cet espace est aujourd’hui clôturée pour laisser batifoler dix poules, un coq, huit canards, une dizaine de poulets de chair et une oie. Quant à la petite serre originelle, elle a été remplacée en 2016 par une plus grande (120 m2), rachetée à un maraîcher local. En été, elle accueille une centaine de pieds de tomates et des dizaines de plants d’aubergines, poivrons, courgettes hâtives, melons; en hiver y sont plantés oignons blancs, arroche pourpre, salades, persil, blettes, choux de Sibérie… Le reste de l’année, le couple cultive ses légumes sur la parcelle extérieure, divisée en quatre zones pour permettre une rotation annuelle : une pour les pommes de terre primeur, une pour le trio haricots-maïs-courges, une pour les légumes racines (ail, panais, carottes, radis, échalotes, poireaux…) et une pour les choux (rouge, cabu, kale, de Bruxelles…). Ils disposent également d’une parcelle de plein champ (300 m2), située à quinze minutes de leur maison, dédiée aux légumes de conservation (oignons, pommes de terre, betteraves…).

PAS DE BALANCE MAIS DU BON SENS

Œufs, viande (canard et poulet), légumes, fruits, tisanes, aromatiques… La liste de courses de la famille – le couple et leurs deux adolescentes – est réduite à peau de chagrin. « En moyenne sur l’année, on est proches de 70 % d’autonomie alimentaire, assurent-ils. Il n’y a pas un seul repas de l’année sans produit du jardin, frais ou transformé. On fait même nos graines de courge à croquer, avec une variété spéciale, la ‘Lady Godiva’ ! »
Pour atteindre une telle productivité, David Latassa ne cache pas que cela demande beaucoup de travail. L’anticipation est, selon cet abonné des 4 saisons, indispensable, mais il avoue pourtant ne rien planifier. « C’est beaucoup de bon sens. Je me fie aux repères phénologiques, aux semis spontanés… Quand l’arroche sort, je sème les poireaux. »
Participants assidus des trocs de plantes, David et Catherine sélectionnent leurs variétés sur le critère du goût, mais veillent à choisir précoces et tardives et à échelonner leurs semis, notamment de haricots, courges et courgettes. « Pour les fruitiers, nous avons aussi opté pour des variétés dont les mises à fruit sont espacées, afin de ne pas tout avoir d’un coup. » Mais ne leur demandez pas d’estimer le volume de leurs récoltes… « Ça ne m’intéresse pas de peser chaque cueillette car c’est une forme de compétition que je n’aime pas, soutient David. Ce que je recherche, c’est subvenir aux besoins de ma famille avec des légumes goûteux, cultivés en bio et de manière naturelle. »

Et, de fait, leur terrain est une ode à la biodiversité, avec ses fleurs sauvages au milieu des légumes, ses haies aux espèces endémiques (sureau, prunellier, cornouiller…), sa mare de 6 m2, ses nichoirs… Associée à une observation quotidienne, cette collaboration avec les auxiliaires maintient le potager de la famille à l’abri des parasites. Le seul véritable point noir ? « Le campagnol ! À tel point que nous avons renoncé à certaines cultures, comme les endives ou les tulipes. L’an dernier, on a perdu 60 % des carottes. » Les jardiniers ont mis des perchoirs pour ses prédateurs, posé des pièges à guillotine et envisagent de créer des planches de culture avec un grillage fin posé au fond. Car, dans ce coin de nature, tout produit chimique est banni – seuls des granulés antilimaces bio ont droit de cité en début de saison. Le sol, de nature argilo-calcaire, est amendé avec le fumier composté des poules et du compost maison, réalisé en andains. Une fois par an, le tas est retourné puis étendu dans la serre et sur les parcelles extérieures. Fèves et pois sont aussi semés sous la serre, en novembre, pour enrichir le sol en azote. « Après la récolte, je laisse les racines et je plante les tomates au milieu. »

Aux petits soins avec son sol, le jardinier admet que l’or de son terrain reste la présence de deux sources. Celles-ci contribuent à remplir deux cuves de 1 000 l et un réservoir de 2 500 l. Auxquelles s’ajoute une cuve d’eau de pluie enterrée de 3 000 l, utilisée lorsque les sources se tarissent. Malgré ce filon, la famille Latassa se révèle parcimonieuse. « En début de saison, sous la serre, je détrempe le sol puis j’apporte un paillis très épais ; l’extérieur est, lui, paillé après plantation une fois le sol réchauffé. De la sorte, les arrosages sont réduits, même en été. » Tontes du jardin, broyat, feuilles mortes, paille bio… « La couverture est permanente. Tout l’inverse de chez mon père, où le sol est toujours à nu ! »

POTAGER EN BOCAUX

Fruits en bocaux et légumes du jardin

Il y a pourtant bien une chose que David Latassa fait comme ses aïeux : des litres de ratatouille ! « 25 litres l’an dernier, et 50 litres de coulis de tomates ! La cave de mes grands-parents était une épicerie, celle de mes parents idem. Nous aussi, on pourrait tenir un siège… » La transformation et le stockage se font au fil des récoltes (lire l’encadré), avec un pic d’activité de fin août à fin septembre lorsque commence le marathon des légumes d’été. « Mais on a plein d’astuces ! Pour la ratatouille, on met les légumes crus dans les bocaux car la stérilisation les cuit. Et, lorsque les poules pondent huit œufs par jour, on les met dans du vinaigre, ça nous fait des œufs durs pour la période creuse ! »

La recherche d’autonomie de la famille ne se conçoit pas sans la production de ses propres graines. Cette volonté s’explique, là encore, par l’héritage familial. « Mes parents sont arrivés de Calabre avec des semences dans leurs valises : du maïs pour ma mère, des haricots à rame pour mon père. Je continue de les perpétuer, c’est essentiel pour moi. Outre leur dimension affective, ce sont des variétés anciennes qui se sont bien acclimatées ici : le maïs n’est jamais malade et le haricot a un goût incroyable. » Pour les reproduire, David garde les plus beaux épis et cosses et les met à sécher dans la serre. Il fait de même avec les graines de tomates, courges, petits pois, pois chiches, sorgho du Rwanda… « Dès que je découvre une variété qui nous plaît, je garde et reproduis les semences. Cela nous permet de les pérenniser et de faire des économies. »

Catherine et David sont également “adoptants” pour le Centre de ressources de botanique appliquée (CRBA) du Rhône. Dans cette démarche conservatoire proposée par l’association, ils récupèrent des graines et tubercules de variétés anciennes (tomates, pommes de terre), les cultivent en remplissant des fiches d’observation et les récoltent en gardant précieusement les graines pour les restituer à la structure. « Le CRBA est aussi en train de diffuser le haricot de Calabre de mon père. Cela fait dix ans que je le cultive. Donc, pour eux, cette variété est devenue locale… Une fierté pour moi ! »


Des fruits et des légumes toute l’année

Voici les techniques utilisées par la famille Latassa pour stocker et conserver ses récoltes :

  • déshydratation (électrique) : fruits (pommes, fraises des bois, prunes, pêches de vigne), légumes (tomates, courgettes), plantes (ortie, violettes, pensées, ronce, coucou, lierre terrestre, aubépine et boutons de roses) ;
  • congélation : poivrons, petits pois, fruits rouges, épis de maïs, volailles, cerises, abricots, mûres, poireaux… ;
  • stérilisation : coulis, ratatouille, soupes et chutneys avec les légumes d’été ; confitures, compotes et bocaux au naturel avec les fruits (pommes, poires, prunes, abricots, rhubarbe, fruits rouges, châtaignes…) ;
  • macération : vins de fruits et de plantes (pêches, noix, verveine…) ;
  • lactofermentation : blettes, navets, betteraves, choux pour la choucroute, haricots verts ;
  • au vinaigre : cornichons, œufs, légumes primeurs ;
  • en cave : pommes de terre, pommes, poires ;
  • en silo : carottes, betteraves, navets ;
  • à proximité de la chaufferie : courges, noix, ail, oignons.

 

 

Ingrid Van Houdenhove