Produire ses graines, quelles semences choisir pour débuter ?
Christian Boué est agriculteur et membre du Biau Germe depuis 18 ans. Chaque année, il cultive entre un et deux hectares de semences fines (légumes, aromatiques et fleurs). Il a publié en 2012 Produire ses graines bio, légumes, fleurs et aromatiques (272 pages) aux éditions Terre vivante, de la collection “Conseils d’expert”.
Nous avons classifié, par un système d’étoiles, les espèces en fonction de la difficulté. Les plus faciles et les moins contraignantes demeurent toutefois les semences que l’on récolte en même temps que le légume. Par exemple, les tomates, poivrons, piments ou, si l’on a pris soin d’isoler ses porte-graines, les cucurbitacées (melons, citrouilles, potimarrons, courges musquées).
Christian Boué
Pourquoi produire soi-même ses graines ? Quels sont les enjeux écologiques ?
Produire ses graines fut, depuis les débuts de l’agriculture, un enjeu majeur. Quel paysan peut se permettre de négliger sa semence, en sachant que la prospérité des années futures dépend d’elle ?
Récolter au moins quelques graines, c’est retrouver un peu d’indépendance dans une société où l’interdépendance est la norme. C’est aussi se relier à la longue chaîne des hommes qui nous transmirent ces variétés de légumes, de fleurs, enrichies à chaque génération des soins du jardinier. De telle manière, maintenir une grande diversité de variétés cultivées, c’est faire le pari du futur. C’est refuser les mainmises et les monopoles.
Les enjeux actuels sont énormes… mais peu médiatiques. Qui a entendu parler de « l’arme de la semence » ? Imaginez ce que serait le monde aux mains de deux ou trois multinationales. Celles-ci dicteraient leurs lois aux nations par leur monopole sur la semence des principales espèces alimentaires.
D’où proviennent les graines (non biologiques) vendues dans le commerce « conventionnel » ?
Il est difficile de savoir avec exactitude d’où proviennent les semences du commerce non bio. Cela peut varier en fonction des prix d’achat, des problèmes sanitaires rencontrés, des contextes politiques ou sociaux… On parle de semences produites en Chine, en Hongrie, au Kenya, en Italie, au Chili, et encore dans une myriade de pays plus ou moins exotiques. Les maisons semencières, à de rares exceptions près, ne font plus que de l’achat-revente. En particulier pour les variétés traditionnelles. Elles sont d’ailleurs souvent des filiales du groupe Limagrain, l’ogre français en la matière. On peut raisonnablement penser que ces semences sont produites dans des conditions ne répondant pas à la législation française ni européenne, en matière de salaire et de droits sociaux… Et si c’est déjà un crime que de polluer ses propres terres, c’est certainement un double crime que de le faire sous d’autres cieux. Souvent, les produits de traitements déclassés chez nous, et utiles en production de semences, partent dans des contrées moins regardantes sur les pollutions agricoles. Pourtant, plusieurs cultures grainières restent communes en France : la betterave sucrière, la carotte, le poireau, l’oignon et quelques autres, demeurant « rentables » pour l’agriculteur, malgré des prix très bas payés par les firmes.
Quels sont les avantages des semences bio ?
On peut supposer que des graines sélectionnées en milieu naturel, sur des plantes cultivées sans « dopants » ni pesticides, soient mieux adaptées. Privées de leurs « béquilles chimiques », nombre de variétés améliorées ou hybrides ne se révéleraient sûrement pas à leur avantage. Quoi de plus logique que de vouloir boucler la boucle en cultivant des semences bio ? Si l’on désire un monde plus harmonieux, et préserver les chances de survie des générations à venir, produire de façon biologique et durable les graines de nos jardins devient une priorité.
Christian Boué