Les bénéfices des aliments fermentés pour la santé

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Meilleure digestibilité des aliments, augmentant l'assimilation des nutriments, éliminant les toxines... La fermentation a de multiples bienfaits pour la santé. Sandor Ellix Katz, expérimentateur autodidacte et passionné, auteur de nombreux ouvrages, partage quelques bénéfices des aliments fermentés.

 The Matter of Food | Unsplash

Ces explications sont extraites du livre Fermentations ! de Sandor Ellix Katz.

Les aliments fermentés dans leur ensemble sont très nutritifs et très digestes. La fermentation prédigère les aliments, augmentant l’assimilation des nutriments, et elle produit souvent des nutriments supplémentaires ou élimine les antinutriments et les toxines. Les aliments contenant des bactéries lactiques vivantes sont particulièrement bénéfiques à la digestion, à l’immunité et au bien-être général. Au moment où j’écris, la revue Proceedings of the National Academy of Sciences vient juste de publier une étude passionnante qui démontre que les bactéries intestinales influencent la réponse immunitaire au-delà des intestins, en particulier la « réponse immunitaire productive des poumons » en réaction au virus de la grippe, et qui révèle « l’importance de notre microbiote dans la régulation immunitaire de la muqueuse pulmonaire ».

Les bactéries de nos intestins, éventuellement renforcées par celles de nos aliments (ainsi que par les compléments probiotiques), peuvent avoir des impacts considérables et profonds sur notre santé. Beaucoup d’effets miraculeux ont été prêtés à certains aliments fermentés, mais il est nécessaire d’accueillir ces affirmations avec scepticisme. Par exemple, je ne pense pas que la consommation quotidienne de kombucha (thé sucré partiellement fermenté) puisse soigner le diabète, comme le prétendent certains de leurs promoteurs sur le net. Les personnes diabétiques devraient consommer le kombucha modérément et même pas du tout, et trouver leurs cultures vivantes dans des aliments fermentés moins sucrés comme la choucroute ou le yaourt. L’amélioration potentielle de l’état général ne garantit pas nécessairement l’issue d’une maladie précise, et les affirmations de ce genre doivent résister à l’examen.  

Ce sont les bénéfices supposés pour la santé qui éveillent l’intérêt de beaucoup de gens pour les aliments fermentés. Je n’ai pas de réponses définitives. La connaissance scientifique du rôle des bactéries dans la médiation et la régulation de nos mécanismes physiologiques est encore rudimentaire. On en sait encore moins sur ce qui se passe quand on ingère des bactéries vivantes, comment elles interagissent avec les bactéries déjà présentes et comment la muqueuse intestinale régule l’équilibre bactérien, un aspect critique de notre système immunitaire. Une grande partie de la recherche scientifique est financée par l’industrie et son champ est très étroit, consistant à mesurer l’effet de certaines cultures « probiotiques », souvent brevetées, sur divers marqueurs biochimiques quantifiables, et aboutissant à des conclusions prudentes émaillées de réserves.

Jusqu’où est-il possible d’extrapoler à partir de ça ? Beaucoup de faits et de mécanismes de base restent inconnus. Mais il semble que la science confirme peu à peu que les aliments fermentés ne sont pas comme les autres et sont capables de nous nourrir pleinement et de contribuer à notre bonne santé.

Prédigestion

La fermentation est l’action digestive de cellules bactériennes et fongiques et de leurs enzymes. Les aliments sont conservés, mais leur composition est altérée par l’activité enzymatique des organismes impliqués. Les molécules organiques sont dégradées en molécules plus élémentaires. Les minéraux sont plus disponibles et certaines molécules difficiles à digérer sont dégradées. Dans les produits à base de soja, champignons et bactéries digèrent les fabuleuses protéines du soja en acides aminés que nous absorbons facilement. Dans le lait, les bactéries lactiques convertissent le lactose en acide lactique. La viande et le poisson sont attendris.

Amélioration nutritionnelle

Pendant la prédigestion, beaucoup d’aliments accumulent plus de vitamines B, notamment la thiamine (B1), la riboflavine (B2) et la niacine (B3), que les ingrédients crus avant fermentation. La présence de vitamine B12 est controversée : on pensait que le tempeh et quelques produits végétaux fermentés en contenaient des concentrations élevées. On s’est aperçu depuis qu’il s’agissait d’analogues inactifs, appelés pseudovitamine B1216. (Certains affirment que la « contamination » bactérienne des cultures de tempeh par Rhizopus oligosporus dans les installations non industrielles expliquerait la présence de vitamine B12 dans le tempeh traditionnel, mais pas dans le produit pur.) La fermentation augmente l’assimilation de la lysine, un acide aminé essentiel présent dans les céréales (plus dans les levains contenant des bactéries lactiques que dans les levains de levure pure).

Divers aliments fermentés produisent des micronutriments uniques absents des ingrédients crus et produits par les micro-organismes fermenteurs. Par exemple, le natto, un produit japonais à base de soja, contient une enzyme appelée nattokinase, qui présente « une action fibrinolytique très puissante… permettant de traiter toutes sortes de maladies dont l’hypertension, l’athérosclérose, des maladies coronariennes comme l’angor, l’AVC et des maladies artérielles périphériques ». Des études récentes ont montré que la nattokinase dégrade les fibrilles amyloïdes et pourrait être efficace contre la maladie d’Alzheimer.

Pendant la fermentation du chou, des substances phytochimiques appelées glucosinolates sont converties en molécules comme les isothiocyanates et l’indole-3-carbinol, « des anticarcinogènes capables de prévenir certains cancers », d’après le Journal of Agricultural and Food Chemistry. Qui sait quelles autres substances encore inconnues se cachent dans nos aliments fermentés ?

Détoxification

La fermentation peut éliminer de nombreuses substances toxiques et parfois même transformer ces antinutriments en nutriments. En dose suffisante, certaines toxines alimentaires tel que le cyanure sont des poisons redoutables.

Le manioc « amer » (Manihot esculenta, également appelé yucca et cassave) a une teneur élevée en cyanure. Celui-ci est éliminé en épluchant et en coupant grossièrement les tubercules pour les fermenter plusieurs jours en les trempant simplement dans l’eau. (Le manioc exporté qu’on trouve dans le commerce est du manioc doux.) De même, beaucoup de fruits à coque comme les glands doivent tremper pendant des jours ou des semaines pour éliminer les tannins amers et, inévitablement, fermentent.

Certaines toxines alimentaires sont plus subtiles. Par exemple les phytates, présents dans les céréales, les légumineuses, les graines et les fruits à coque, se lient aux minéraux et empêchent leur assimilation par l’organisme. Pendant la fermentation, une enzyme, la phytase, libère les minéraux de cette liaison, améliore leur solubilité, « augmentant et facilitant leur assimilation par l’intestin ». Selon une étude de 2007 comparant la disponibilité du fer et du zinc dans l’idli (une pâte de riz et de lentilles) avant et après fermentation, la biodisponibilité de ces deux minéraux est significativement augmentée par la fermentation. On a également constaté que la fermentation réduit naturellement le taux de nitrates et d’acide oxalique dans les légumes et dégrade certains résidus de pesticides.

Depuis longtemps, on utilise la fermentation pour décontaminer l’eau potable en ajoutant des sucres fermentescibles et en laissant s’accumuler un peu d’alcool ou d’acide pour détruire les germes bactériens.

Il a également été dit que le miso pouvait éliminer efficacement les métaux lourds de notre corps, mais malheureusement je n’ai pu trouver aucune étude confirmant cette allégation. Soyez prudent et ne croyez pas que toutes les substances toxiques peuvent être éliminées par la fermentation juste parce que certaines le sont.

 

 

Bactéries lactiques vivantes

Les bénéfices de la prédigestion, l’amélioration nutritionnelle et l’action détoxifiante persistent même quand les aliments sont cuits après fermentation. Mais chez les aliments et boissons fermentés par les bactéries lactiques, les communautés bactériennes vivantes procurent elles aussi des bénéfices fonctionnels. Ces bactéries vivantes, dont on peut dire qu’elles sont le principal élément guérisseur des fermentations lactiques, ne survivent que dans les aliments qui n’ont pas été chauffés à plus de 47 °C.

Beaucoup de produits industriels sous emballage ayant été pasteurisés pour allonger leur durée de conservation, les bactéries qui s’y trouvaient ont été tuées. Pour profiter de leurs bénéfices, il faut vous procurer des produits non pasteurisés ou les préparer vous-même.

Comment les aliments contenant des bactéries vivantes influencent-ils notre digestion ? 

Les aliments fermentés sont prédigérés à des degrés divers, ce qui augmente la disponibilité générale des nutriments. Avec les aliments vivants, nous ingérons des bactéries qui contribuent à les digérer et produisent toutes sortes de substances protectrices pendant leur passage dans l’intestin. Elles enrichissent l’écologie microbienne de nos intestins, améliorant l’assimilation des nutriments et décourageant les bactéries pathogènes par leur présence. Beaucoup de gens constatent une amélioration de leur digestion après avoir ajouté des aliments fermentés à leur alimentation. J’ai souvent entendu parler d’amélioration digestive à la suite de l’ingestion régulière d’aliments fermentés chez des personnes souffrant de troubles digestifs très variés tels que constipation, diarrhée, reflux acide et autres maladies chroniques plus sévères. Il s’avère que les aliments contenant des bactéries lactiques peuvent améliorer la digestion sans risque pour la santé et pour un coût modique. Dans certains cas, ils pourraient, et seulement pourraient, contribuer à améliorer ou même à soigner certains problèmes de santé aigus ou chroniques. Cela dit, la réponse varie d’une personne à l’autre. Et il est toujours préférable d’introduire de nouveaux aliments progressivement et à petites doses, en particulier s’ils contiennent des bactéries vivantes.

Mangez une variété d’aliments fermentés, dont certains contiennent des bactéries vivantes. Et tant que vous y êtes, mangez une diversité de plantes. Faites en sorte qu’une partie des plantes et des bactéries soient sauvages. La variété de plantes et de microbes cultivés est en effet très limitée. Des interactions plus diversifiées avec une large gamme de substances phytochimiques, de bactéries et de composés stimulent nos fonctions de diverses manières. La diversité contient sa propre récompense.

 

Sandor Ellix Katz

 


 

Vous trouverez plus d’informations sur la fermentation dans les livres Fermentations ! et Le tour du monde de la fermentation de Sandor Ellix Katz.

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