Vers une autonomie collective !

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S’engager pour la planète, proposer des solutions pour l’avenir… Entre coups de cœur et coups de griffes, des auteurs, autrices, acteurs et actrices de Terre vivante prennent la plume et livrent leur vision sur un thème qui les touche particulièrement. Joseph Chauffrey, auteur de Mon petit jardin en permaculture, s’interroge sur la notion d’autosuffisance, qui ne doit pas être confondue avec la recherche d’autonomie en fruits et légumes, dans l’esprit de la permaculture et du “faire ensemble”.
Vers une autonomie collective !

L’autarcie vise l’autosuffisance. Cela implique de ne plus avoir besoin des autres pour subvenir à ses besoins alimentaires. (…) Cette manière de vivre l’effondrement annoncé par les collapsologues n’est pas dans l’esprit de la permaculture, qui prône au contraire le “faire ensemble”, le partage des ressources, des savoirs et des compétences. 

Nombreux sont les stagiaires qui arrivent dans mes formations avec pour ambition d’atteindre “l’autonomie alimentaire”.

Alors certes, pointer du doigt cet objectif témoigne d’une prise de conscience individuelle et d’une réelle volonté de mise en action. Mais soyons vigilants à ne pas sous-estimer ce que cet objectif implique, en termes de temps, de compétences, et n’idéalisons pas l’autarcie, qui à mes yeux ne représente en rien un futur enviable.

Car l’état d’esprit qui pousse à viser l’autarcie n’est pas le même que celui qui encourage à plus d’autonomie. L’autarcie vise l’autosuffisance. Cela implique de ne plus avoir besoin des autres pour subvenir à ses besoins alimentaires. Ce courant, dans lequel s’inscrivent certaines communautés (je pense en particulier à certains survivalistes) pousse à la rupture avec le monde qui nous entoure, en prônant l’autoproduction maximale. Cette manière de vivre l’effondrement annoncé par les collapsologues n’est pas dans l’esprit de la permaculture, qui prône au contraire le “faire ensemble”, le partage des ressources, des savoirs et des compétences.

AUTEUR DE SES CHOIX, ACTEUR DANS SA MANIÈRE DE S’ALIMENTER

À l’inverse, la recherche d’autonomie renvoie à l’idée d’être l’auteur de ses propres choix, d’être acteur dans la manière de s’alimenter, avec pour objectif de tendre vers des modes de production qui soient les plus justes possible. Bien sûr, cela peut inviter à une forme d’autoproduction, mais il y a en toile de fond l’idée que c’est collectivement que l’autonomie s’acquiert.

Par ailleurs, ne devrions-nous pas, plus que “ l’autosuffisance alimentaire”, envisager plus modestement l’autonomie en légumes, en fruits ? Cela me semblerait plus réaliste. Car rares sont les jardiniers capables de produire leurs céréales, l’ensemble de leurs légumineuses et leurs calories animales le cas échéant…

Pour replacer les choses dans leur contexte, commençons par évoquer le potentiel productif d’un potager familial, même s’il est fort compliqué d’avancer des données précises sur le sujet tant les contextes individuels sont différents. Je citerai pour commencer une étude menée par l’université de Caen et visant à estimer le potentiel productif de nos potagers. Menée simultanément dans trois villes du nord de la France (Rennes, Caen et Alençon), celle-ci annonce des productions variables suivant les jardiniers, allant de 0,5 kg à 3,9 kg de légumes par m2 et par an, avec une moyenne qui s’établit à 1,8 kg/m2/an. Ce chiffre traduit donc la production du “jardinier moyen”, cultivant l’assortiment “classique” des légumes et ne cherchant pas à optimiser l’espace de son potager.

À l’inverse, la production qu’il est possible d’atteindre dans des projets de microagriculture bio-intensive – système agricole durable visant à produire une alimentation sur de petites parcelles, tout en augmentant simultanément la biodiversité et en soutenant la fertilité du sol – est 5 à 7 fois supérieure. J’obtiens par exemple dans mon petit jardin urbain, dans lequel je développe des techniques d’optimisation de l’espace, des rendements de l’ordre de 12 kg de légumes par m2 et par an.

160 M2 DE POTAGER POUR UNE FAMILLE DE QUATRE PERSONNES

Pour un jardinier moyen visant une montée en compétences, il me semble tout à fait envisageable d’atteindre en quelques années une productivité de l’ordre de 5 kg de légumes par m2 et par an. Sachant qu’environ 200 kg de légumes sont nécessaires aux besoins annuels d’une personne, il faudrait alors être en mesure de cultiver avec soin 40 m2 de potager par personne, soit 160 m2 pour une famille de 4 personnes. Cela n’est pas chose facile !

J’ai par ailleurs calculé ce que les 400 kg de légumes que nous produisons annuellement – qui nous permettent l’autonomie totale en légumes – nous offrent en terme “d’autonomie calorique”. Ainsi, sur les 2 200 calories quotidiennes dont mon organisme a besoin, les légumes ne m’en apportent qu’environ 150, soit 7 % de mon besoin calorique !

Nos légumes nous apportent donc de la diversité, des nutriments, des vitamines, de la couleur dans nos assiettes et du plaisir gustatif… mais finalement que très peu de calories ! Relativisons donc la part des produits du potager dans notre quête d’autonomie, autonomie qui par ailleurs ne devrait pas se résonner à l’échelle individuelle, celle-ci n’ayant à mes yeux de sens que dans une perspective de partage et dans une démarche valorisant le “faire ensemble”.


Vers une autonomie collective ! 1Joseph Chauffrey est formateur en jardinage durable et designer en permaculture. Il s’est spécialisé dans les techniques permettant d’intensifier les productions et la résilience des petits espaces urbains. Il est notamment l’auteur de Mon petit jardin en permaculture, aux éditions Terre vivante.

 

Titwane |

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