A. Canévet |
Cet article est extrait du livre La naturopathie en cuisine de Daniel Caroff et Martine Lionello.
La vitamine B12
Les végétaliens (ou végans) doivent porter une attention spécifique à leur alimentation, bien plus que les végétariens, en particulier concernant la possible carence en protéines ou en vitamine B12, que l’on trouve essentiellement dans le règne animal. Cette vitamine B12 est indispensable à la production des globules rouges et une carence crée une anémie. Mais cette vitamine est aussi une coenzyme, elle est donc nécessaire au fonctionnement d’enzymes qui interviennent au niveau des protéines, des acides gras, aux niveaux osseux et neuronal…
Heureusement, on peut trouver de la vitamine B12 dans l’algue chlorella (mais pas dans la spiruline, qui en contient une forme inactive). Il est également possible de se supplémenter par la prise d’une ampoule buvable de vitamine B12 de temps en temps (une fois par mois en l’absence de carence, ou une fois par semaine en cas de carence). Ces ampoules s’achètent en pharmacie sans ordonnance : 250 μg par jour ou 2 000 μg par semaine (exemple : 2 ampoules de 1000 μg) ou encore 5000 μg toutes les deux semaines couvrent les besoins nutritionnels. On trouve aussi de la B12 sous forme de comprimés peu onéreux dans les magasins bio (1 comprimé par jour ou 1 comprimé 2 fois par semaine en fonction du dosage).
À noter que la vitamine B12 n’est pas produite par synthèse chimique, mais à l’aide de bactéries cultivées, elle est donc naturelle.
Pour connaître son taux en vitamine B12, il faut penser à demander à son médecin de l’ajouter sur la prise de sang annuelle. Pour les végétariens, même si on trouve de la vitamine B12 dans les œufs et les laitages, seuls 10 % de la vitamine B12 des œufs par exemple sont assimilables par l’organisme. Il est donc pertinent que les végétariens fassent eux aussi une prise de sang annuelle pour surveiller le taux de vitamines B12 et détecter une éventuelle carence.
Il faut noter que le dosage sanguin de B12 n’est pas toujours fiable, car il ne fait pas la différence entre la molécule de vitamine B12 et des molécules analogues. En cas de doute, il faut doser le taux d’homocystéine et celui de l’acide méthylmalonique qui s’accumulent dans le corps. Ceci est important, car une légère carence de B12 augmente le taux d’homocystéine, qui lui-même augmente le risque de maladies cardiovasculaires, d’Alzheimer, de cancer du col de l’utérus, et fragilise les os. Si vous vous supplémentez, vous ne courez aucun risque, donc notre conseil est de prendre un complément en vitamine B12 au moins une ou deux fois par semaine.
Remarque
Les graines germées de légumineuses pourraient être une bonne source de vitamine B12 (lentilles, soja, pois chiches). Même si elles ne sont pas suffisantes en elles-mêmes pour couvrir les besoins d’une personne végétalienne, elles y participent.
À savoir
Une information peu connue : les animaux d’élevage sont supplémentés quasi systématiquement en vitamine B12 pour la production de viande. Ainsi, la très grande majorité de la production mondiale de vitamine B12 est destinée à l’alimentation du bétail.
Les oméga-3
Les végétariens et les végétaliens doivent aussi veiller à avoir un apport suffisant en acides gras essentiels. En effet, les poissons gras apportent des oméga-3 directement utilisables par le corps, en particulier le DHA pour le cerveau et l’EPA pour le cœur, appelés oméga-3 à longue chaîne. Dans les végétaux, comme l’huile de colza, de lin, de noix, on trouve des oméga-3 à courte chaîne, les ALA. La présence d’une enzyme particulière est nécessaire pour transformer les ALA en fameux DHA et EPA. Malheureusement, certaines personnes, à partir de la cinquantaine, manquent de cette enzyme. Pour elles, la prise d’huile végétale ne sera pas suffisante.
Pour savoir si vous êtes concerné par ce problème de déficit en oméga-3, le plus simple est de faire une prise de sang avec la mention « dosage des acides gras érythrocytaires, aussi appelés acides gras transmembranaires ». En cas de déficit, la seule solution sera de faire des cures de capsules d’oméga-3. Nous vous conseillons alors de privilégier les capsules d’huile de krill, une espèce de petit crustacé, riche en EPA et DHA mais aussi en astaxanthine, un pigment caroténoïde qui est l’un des plus puissants antioxydants naturels. Comme les krills sont les premiers de la chaîne alimentaire océanique, ils ne sont pas trop pollués par les métaux lourds. Pour les végétaliens, on trouve maintenant aussi des capsules d’oméga-3 faites à partir d’extraction d’algues, qui représentent un bon apport en DHA ; l’EPA est ensuite synthétisé à partir du DHA par rétro-conversion.
Le calcium
Toujours pour les végétaliens, qui ne consomment aucun produit laitier, le manque de calcium et le risque d’ostéoporose dus à l’absence de laitages relève essentiellement d’une idée reçue, car le fait de manger des protéines animales entraîne une fuite de calcium au niveau des reins (c’est d’ailleurs pour cette raison que les personnes en insuffisance rénale doivent limiter leur consommation de viande). En remplaçant les produits animaux par des végétaux, on réduit les fuites urinaires de calcium. De plus, le calcium contenu dans les laitages est peu assimilable par notre organisme et, les laitages étant acidifiants, le corps va puiser dans les os les réserves de calcium pour retrouver un équilibre acido-basique. Enfin, les laitages contiennent aussi des graisses saturées, du cholestérol, des protéines allergènes, du lactose, souvent des traces de polluants et des facteurs de croissance cancérigènes.
Quant aux végétariens qui, pour leur part, consomment des laitages, nous leur conseillons le lait de chèvre ou de brebis plutôt que le lait de vache. En effet, le lait de chèvre est plus facile à assimiler car il contient des matières grasses plus petites que celles du lait de vache. Le lait de brebis possède quant à lui deux fois plus de calcium que le lait de vache (200 mg pour 100 ml). De plus, lait de chèvre et lait de brebis contiennent beaucoup moins de facteurs de croissance que le lait de vache. Le kéfir de lait est une solution idéale, car il est encore plus assimilable. La France est un grand pays producteur de lait et ce fait économique joue un rôle non négligeable dans la politique nutritionnelle du pays. Les études confirment que dans les pays où le mode d’alimentation est essentiellement végétal, les gens souffrent rarement d’ostéoporose, même lorsqu’ils consomment peu de calcium.
Donc, il vaut bien mieux privilégier le calcium des végétaux. Une portion de brocolis équivaut à un verre de lait ! Parmi les autres bonnes sources de calcium, citons :
- Les légumes : cresson, pissenlit, brocoli, chou frisé, chou rosette, chou-fleur, choux de Bruxelles, courge butternut, patate douce, carotte.
- Les céréales : maïs, lait de riz, blé complet (farine).
- Les légumineuses : haricots noirs, rouges, blancs, pois chiches, lentilles, graines de soja, tofu.
- Les algues.
- Les fruits : figues, orange et jus d’orange (enrichi en calcium), raisins secs, amandes.
Pour rappel, la caféine et le tabac augmentent la fuite de calcium et la sédentarité fragilise les os. Marcher régulièrement est essentiel pour éviter l’ostéoporose. Enfin, il faut veiller à la prise régulière de :
- vitamine D qui permet la fixation du calcium sur les os,
- vitamine K2, qui permet d’envoyer le calcium vers les os et non vers la paroi des artères,
- vitamine C, qui aide à produire des ostéoblastes (cellules constructrices d’os) et a un rôle antioxydant en luttant contre le stress oxydatif (impliqué dans l’apparition de l’ostéoporose),
- magnésium et potassium, deux minéraux qui contribuent à favoriser un état alcalin dans l’organisme et qui aident au métabolisme du calcium,
- silice (ou silicium) qui permet la création des fibres de collagène sur lesquelles se fixe le calcium,
- acides gras insaturés, qui augmentent la densité minérale osseuse.
Remarque
Jusque récemment, les laits végétaux étaient enrichis en calcium à hauteur de 120 mg/100 ml, soit une teneur sensiblement comparable à celle des laits de vache du commerce (117 mg/100 g en moyenne). En avril 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a interdit cela, malgré le bénéfice évident pour la santé, car le carbonate de calcium est interdit pour enrichir les denrées alimentaires bio, même sous forme naturelle de poudre de lithotamne. Depuis 2022, les laits végétaux bio ne sont donc plus enrichis en calcium, mais les laits végétaux non bio le sont encore.
Le fer
De nombreux végétaux sont riches en fer : les lentilles, les haricots secs, les pois chiches, le tofu, le quinoa, les amandes, les noix de cajou et les abricots. Le fer contenu dans les végétaux est un fer non héminique. Il est certes moins bien absorbé que le fer héminique que l’on trouve dans la viande, mais dans la mesure où les végétaliens consomment plus de fer que le reste de la population, la quantité compense la moins bonne absorption. Il n’y a donc pas plus d’anémies par carence en fer chez les végétaliens que dans la population générale. De plus, le fer non héminique a l’avantage de ne pas favoriser le cancer du côlon, contrairement au fer héminique présent dans la viande.
L’importance des protéines
Le dernier risque du végétalisme est la carence en acides aminés essentiels dont sont composées les protéines, et qui ne se trouvent pas tous en même temps dans les produits végétaux (en dehors du quinoa et du soja). Cependant, la prise régulière de céréales et de légumineuses en permet un apport suffisant.
Les protéines sont présentes dans toutes les cellules de notre corps : enzymes, squelette de la cellule (actine), structure des tissus (collagène), myosine des muscles, structure de l’ADN (histones)… Elles sont synthétisées à partir des gènes (ADN puis ARN), par un assemblage de molécules de base appelées acides aminés.
Le besoin quotidien est de 40 à 60 g de protéines par jour, ce qui est très vite atteint et peut être lissé sur la semaine. Il suffit de manger de la viande ou du poisson deux fois par semaine pour avoir un apport suffisant en acides aminés essentiels, ou de manger régulièrement des laitages et/ou des œufs. L’excès de protéines entraîne de l’ostéoporose, des problèmes rénaux, des calculs des voies biliaires et des cancers. Les Occidentaux en consomment environ deux fois plus qu’ils n’en ont besoin et même les végétariens mangent trop de protéines en moyenne, leur apport dépassant de 20 à 40 % leurs besoins réels dans la plupart des cas. Le risque n’est donc pas de manquer de protéines, mais d’en consommer trop ! Tant que l’on mange diverses variétés d’aliments végétaux en quantité suffisante pour que le poids du corps reste stable, on absorbe largement assez de protéines. L’idée qu’on puisse sortir de table avec la faim après un repas végétarien, faute de viande, est donc totalement illusoire !
Le corps ne sachant pas fabriquer lui-même l’ensemble des 20 acides aminés protéinogènes, dont 9 sont appelés acides aminés essentiels, ils doivent être apportés par l’alimentation : histidine (semi-essentiel), leucine, isoleucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, tryptophane et valine.
Les produits animaux (viande, poisson, œufs et laitages) contiennent l’ensemble des acides aminés essentiels, mais pas les produits végétaux (mis à part le quinoa, le soja, le sarrasin et le petit épeautre). En effet, les céréales, riches en acides aminés soufrés, contiennent très peu de lysine et les légumineuses sont riches en lysine, mais contiennent moins d’acides aminés soufrés (méthionine).
Les végétaliens doivent veiller plus spécifiquement à ingérer assez de protéines et surtout à avoir l’ensemble des acides aminés essentiels en combinant la prise de céréales et de légumineuses à raison de 2/3 de céréales pour 1/3 de légumineuses. Il n’est pas absolument nécessaire d’associer céréales et légumineuses au cours du même repas, il suffit de varier les sources de protéines au cours de la journée.
Les produits végétaux les plus riches en protéines sont :
- Les céréales ou pseudo-céréales : riz brun, complet, rouge, quinoa, sarrasin, épeautre, son d’avoine.
- Les légumineuses : lentilles, haricots secs, fèves, pois cassés, pois chiches et soja (tofu, tempeh…).
- Les graines : courge, chanvre et chia, fenugrec.
- Les fruits oléagineux : noix, amandes, noisettes, pistaches, noix de cajou et pignons.
- La spiruline : 65 g de protéines (pour 100 g).
Top 5 des protéines végétales :
- Tofu 10 %
- Pois cassés cuits 8,5 %
- Lentilles 10 %
- Pain complet 8 %
- Pois chiches 9 %
À retenir
1/3 légumineuses + 2/3 céréales = un bon apport en acides aminés.
Quelques exemples d’associations de 2 portions de céréales pour 1 portion de légumineuses :
- Semoule de blé + pois chiches
- Quinoa + haricots rouges
- Millet + haricots rouges
- Riz + soja
- Pain complet (blé) + soupe de haricots blancs ou rouges
- Pâtes + lentilles
- Riz + lentilles
- Maïs (polenta) + haricots secs
Dr Daniel Caroff