Le chauffage au bois pollue-t-il ?

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Première énergie renouvelable en France, le chauffage au bois peut se révéler polluant pour différentes raisons : appareils trop anciens, bois pas assez sec ou encore, mauvaise utilisation de l'appareil. Le point sur les connaissances actuelles.
Le chauffage au bois pollue-t-il ?

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Un sujet de santé publique

Le sujet est d’actualité depuis peu : le chauffage au bois, bûches notamment, serait particulièrement polluant. Certes, contrairement au fioul, au charbon, au gaz ou à l’électricité nucléaire, le bilan carbone du bois est nul. Mais lorsque le bois brûle, il libère un certain nombre de polluants, que l’on peut classer en deux groupes : une première famille de polluants constitués de composés organiques volatils (COV), d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), d’imbrûlés solides (suies, goudrons), de monoxyde de carbone (CO).

La deuxième famille de polluants, ce sont les poussières – des particules très fines. On distingue les PM10 (taille inférieure à 10 microns, soit six fois plus petites que l’épaisseur d’un cheveu), les PM2,5 et les PM1. Les particules les plus fines (PM2,5 et PM1) pénètrent profondément jusqu’aux poumons puis dans le sang. L’exposition régulière à ces particules augmente les risques cardio-respiratoires, favorise l’irritation des voies pulmonaires. Le débat actuel porte essentiellement sur ces poussières fines, qui sont également émises par l’industrie, les transports et l’agriculture.

Un parc d’appareils en lent renouvellement

Il est très difficile d’identifier dans l’atmosphère les polluants attribuables au chauffage au bois. Les autorités suisses estiment qu’environ 16 % des poussières émises en Suisse sont attribuables à la combustion du bois (la moitié à cause du chauffage au bois, l’autre due aux feux de broussailles). En France, les quelques études rendues publiques confirment cette réalité. Mais on amalgame tous les types d’appareils de chauffage au bois.

Soyons clairs : un vieux poêle affichant un rendement de 50 % pollue considérablement, d’autant plus s’il brûle du bois humide. Le parc des appareils de chauffage au bois en France est ancien, affichant des rendements de 40 % en moyenne. Or le renouvellement se fait assez lentement (30 % des appareils vendus vont au renouvellement de l’existant). Quant aux foyers ouverts, ils émettent énormément de particules fines, et leur usage comme mode de chauffage est à proscrire.

Éviter les combustions incomplètes

Les appareils récents, de même que les chauffages au bois automatisés (chaudières à granulés, à plaquettes), affichent, eux, des valeurs d’émission de particules très faibles. À titre de comparaison, un feu de broussailles émet jusqu’à 5 000 mg/m3 de poussières, une cheminée ouverte, 400 mg/m3, un poêle à bois performant (et brûlant du bois sec), 45 mg/m3, une chaudière à granulés récente, moins de 20 mg/m3.

Ce qui pose problème, c’est également la qualité du combustible que l’on utilise (la combustion de bois humide augmente de deux à quatre les émissions par rapport au bois sec), et la manière de l’utiliser. Une étude du Centre scientifique et technique du bâtiment montre qu’un insert fonctionnant en allure réduite peut multiplier par six ou sept les émissions de polluants par rapport à l’allure nominale. Dans l’idéal, il faut faire tourner son poêle à la puissance nominale indiquée par le fabricant (puissance à laquelle est testé le poêle en laboratoire), et éviter les combustions incomplètes. Et profiter des aides publiques qui existent pour renouveler les vieux appareils. Tout le monde est gagnant : le porte-monnaie du consommateur qui économisera de l’argent sur le long terme en brûlant moins de bois, et notre santé.


Une réglementation insuffisante en France

En France, la réglementation d’émission de particules fines ne touche que les chaudières dont la puissance est supérieure à 2 MW (de 50 à 150 mg/m3 en fonction de la puissance), soit des installations de type industriel. Il n’y a strictement rien dans la législation pour les appareils indépendants de petite puissance.

En Suisse, la loi OPair, appliquée depuis janvier 2008, impose également des seuils maximaux d’émission de ces mêmes particules fines ainsi qu’une déclaration de conformité pour les appareils mis en service sur le marché (100 mg/m3). Il existe par ailleurs un label Bois-Énergie suisse, décerné pour les appareils dont les émissions de particules sont inférieures à 75 mg/m3.


 

Emmanuel Carcano