Végétalisation des villes, le nouveau défi des métropoles

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Frein à la pollution, adoucissement du climat, apport d’oxygène, rétention des eaux pluviales afin de limiter les crues… La végétalisation des villes et infrastructures, conformément à la loi Biodiversité du 8 août 2016, est un défi ambitieux d'avenir pour les grandes métropoles, d'ici 2050. Cette reconquête de la biodiversité présente même de nombreux avantages, tant pour le bien-être que pour des aspects écologiques et thermiques. Et s'il était (enfin) temps de se mettre au vert ?
Une petite pousse d'herbe qui a traversé le béton

Le retour à la nature en chiffres

Toits et murs végétalisés sont à la mode, et le nombre de réalisations est en augmentation constante depuis le tournant du siècle. D’ailleurs, depuis le 8 août 2016, l’article 86 de la loi n°2016-1087 (code de l’urbanisme), “pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages”, encourage et redonne de l’élan à ce projet d’urbanisme végétal, obligeant les constructeurs à installer un “système de végétalisation”. Véritablement, ces nouveaux espaces “nature” apparaissent dans les villes en tant que vecteurs d’une plus grande biodiversité, permettant le développement de la faune et de la flore.

Le marché des toitures végétalisées a fortement décollé entre 2002 et 2012. En effet, en 10 ans, plus de 1 200 000 toitures (source : Adivet) ont été végétalisées en France. En revanche, le marché a subi dès 2013 un ralentissement, suite à de nouvelles attentes environnementales (agriculture, gestion des eaux pluviales, esthétisme urbain…). Le potentiel de développement est important, surtout pour les toitures existantes à rénover (écoles, usines, arrêts de bus, logements sociaux…). C’est–à-dire que 22 millions de m² de toitures-terrasses déjà étanchées seraient facilement transformables en toitures vertes, sans parler du neuf. Pourtant, la France reste encore loin derrière son voisin l’Allemagne (35 000 m² de toitures-terrasses neuves chaque année, contre 15 000 m² pour la France, sachant que l’Allemagne comptait déjà 15 millions de m² en 2010).

Petite cabane, cachée derrière un tronc d'arbre, au toit végétalisé

Plusieurs collectivités, comme la ville de Paris (lancement en 2017 d’un programme visant à végétaliser 100 hectares de bâti d’ici 2020) ou d’Angers (100 m² d’espaces verts par habitant en moyenne, avec des espaces verts, hors forêts, couvrant au moins 14 % de la surface urbaine. Source : Biodiv’2050), sont de plus en plus séduites par cette végétalisation. Une véritable prise de conscience des métropoles françaises face à la croissance démographique et aux enjeux environnementaux. En effet, d’ici 2050, nous serons 9,7 milliards d’habitants sur Terre (dont plus de 6,4 milliards d’urbains). Les avantages de cette transformation sont nombreux, en particulier pour la régulation de la pollution, le bien-être en ville, et la capacité de stockage de la végétation.

Humidifier le climat des villes

L’assèchement du climat urbain est une réalité méconnue qui s’accentue d’année en année. C’est le phénomène de l’îlot de chaleur au-dessus de villes de plus en plus “minéralisées” (+ 4 à 6 ° C par rapport à l’extérieur). C’est pourquoi, en recréant des zones d’évapotranspiration, les toitures végétalisées permettent d’adoucir le climat urbain. Celles-ci réduisent la pollution de l’air en filtrant des particules et en absorbant des éléments chimiques. Grâce à leur inertie et à l’évapotranspiration, le tapis végétal et son substrat améliorent le confort thermique des bâtiments, notamment en été, ce qui permet de réduire (voire supprimer) le recours à la climatisation.

Retenir les eaux pluviales

Le milieu urbain se caractérise par une forte imperméabilisation des surfaces. Principale conséquence : le taux de ruissellement passe de 10 % en zone rurale, jusqu’à 45-70 % en zone urbanisée ! Cela nécessite des canalisations toujours plus grandes, et plus coûteuses, et accentue les risques d’inondations et de pollution. Alors que les toitures végétalisées retiennent en moyenne 30 à 60 % de précipitations annuelles, qui restent alors sur le toit, s’évaporent, et rafraîchissent l’habitat. En cas d’averses intenses,”l’effet retard” et la réduction du débit permettent tout de même de soulager les réseaux d’écoulement. Pour améliorer cet effet de rétention en zone urbaine, de nombreux autres espaces peuvent être mis au vert : centres commerciaux, parkings, ou même la voirie (en utilisant des revêtements semi-perméables). 

Soleil levant qui éclaire un sol bétonné, présentant des flaques d'eau

Par contre, si l’on souhaite récupérer l’eau de pluie, il faut savoir que le toit végétal enrichit l’eau en matières organiques (jaunissement), et en bactéries. Cela ne nuit pas aux utilisations, comme l’arrosage. En revanche, le stockage de longue durée et les utilisations domestiques sont déconseillés.

À la recherche d’une étanchéité plus écologique

L’étanchéité est dans les trois quarts des cas réalisée à partir de membranes en bitume élastomère (caoutchouc synthétique). Le bitume est insoluble dans l’eau et présente peu de risques. Hormis lors de sa mise en œuvre (collage et soudure à chaud), où il dégage des fumées contenant un peu d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) toxiques. La composition des élastomères est très variable et plus difficile à évaluer (bien qu’elles soient  durables et recyclables). Alors, à ce sujet, certains fabricants commencent à proposer des matériaux inertes dans l’eau, sans dégagement toxique à l’incinération et recyclables, comme les membranes EPDM (étanches et souples) ou membranes TPO (Thermoplastique polyoléfine). D’autres fabricants utilisent l’asphalte sous forme liquide (un gravier gris responsable des îlots de chaleur, et qui représentait 10 % du marché en 2003) ou d’autres membranes synthétiques (12 %). Notamment des membranes en PVC, à éviter, ainsi que les étanchéités liquides à base de résines polyuréthanes. Bref, il reste d’importantes marges de progression pour améliorer le bilan écologique des membranes, et l’information sur leur composition.

Au final, les membranes sont utilisées en deux couches, la couche supérieure devant être traitée “anti-racines”. L’adjuvant majoritairement utilisé est un ester d’acide gras phénolique, insoluble, ni volatile, ni toxique pour la plante, mais dont les racines évitent le contact.

 

 

Drainage, support et végétaux

Avec les toitures à faible pente (moins de 5 %), une couche de drainage est indispensable : pouzzolane, pierre ponce, billes d’argile expansées, matelas de drainage en maillage synthétique rigide, plaques de polystyrène alvéolé… Cette couche de drainage doit être protégée des particules de substrat par des nappes synthétiques imputrescibles, type Bidim (feutre géotextile perméable et indéchirable, à base de polypropylène). Certaines sociétés proposent des modules, généralement en polyéthylène recyclé, qui s’emboîtent les uns dans les autres et comportent à la fois couche de drainage, couche filtrante, substrat, et sédums pré-cultivés. D’autres proposent des tapis, livrés enroulés, avec des gaines d’arrosage goutte-à-goutte intégrées dans le substrat, et installent une sonde d’humidité qui déclenche l’arrosage à partir d’une cuve de récupération d’eau de pluie. Des solutions inventives et efficaces mais coûteuses (de 70 à 110 € le m², fourni posé). Autrement, il est possible de ne sous-traiter que l’étanchéité et de réaliser soi-même la végétalisation.

Les végétaux les plus utilisés sont les sédums, joubarbes et autres sempervivum, les mousses, parfois certaines vivaces, bulbeuses et graminées parmi les plus rustiques. Toutes pourront se contenter de substrats pauvres et peu épais. Par exemple, de la pouzzolane avec une faible proportion de compost mûr pour des sédums.

Pour en savoir plus :
Architecture végétale” de Jean-Pierre Daurès, édition Eyrolles, 2011.
Les toitures végétalisées” d’Emmanuel Houssin, Claude Guineaudeau et Jean-Claude Burdloff, édition CSTB, 2012.
Créer un mur végétal, en intérieur et en extérieur” de Jean-Michel Groult, édition Ulmer, 2008.

Antoine Bosse-Platière