Variétés anciennes de fruits, moins malades ?

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Faut-il ou non couper les feuilles des poireaux ? Tailler les tomates, mettre du compost au fond du trou de plantation ? Parce que sur certaines questions concernant le jardin, il n’y a pas une seule mais plusieurs réponses – et surtout de nombreuses nuances –, les rédacteurs des 4 saisons donnent ici leur vision.
Savon noir, bicarbonate… sans risque ? 2

“Du cas par cas, espèce par espèce”, Denis Pépin formateur en jardinage bio en Ille-et-Vilaine

On ne peut pas raisonner par catégorie. À partir de quand une variété est-elle ancienne ? Où classer la ‘Golden’ (apparue à la fin du XIXe siècle) ou l’’Idared’ (vers 1930), deux pommes très fragiles ? Le caractère ancien n’est pas garant d’une résistance quelconque aux maladies. La ‘Boskop’ (fin du XIXe siècle) est sensible à l’oïdium, à la tavelure et aux pucerons (lanigère, cendré). La ‘Calville du roi’ (XVIIe) est très bonne mais d’une sensibilité à l’oïdium ingérable ! ‘Reinette clochard’ se comporte bien mais, comme d’autres variétés anciennes peu sensibles, elle correspond moins aux goûts du moment – plus de croquant et de peps. Je vais supprimer une grande partie des variétés anciennes de mon verger, au profit de modernes, plus juteuses, acides et sucrées. Mais je conserverai ‘Reinette clochard’, bonne et de longue conservation ; elle off re une résistance globale, durable dans le temps, là où les variétés modernes ne vont résister que par un seul gène (le Vf) à la tavelure, problème numéro un des pommes. Or les maladies mutent et contournent ces résistances. ‘Ariane’, plantée il y a vingt ans, s’est ainsi montrée moins résistante au bout de dix ans. Les pêchers modernes, eux, sont intéressants au niveau gustatif et pour la conservation, mais sensibles à la cloque. Là, il faut aller vers des variétés anciennes ou faire ses semis et tester leur résistance. Pour le raisin, les variétés modernes sont vraiment moins sensibles. C’est du cas par cas, espèce par espèce.

“Une résistance plurigénétique”, Alain Pontoppidan, arboriste et formateur en Ariège

Plein de choses s’interpénètrent. Il faudrait faire la différence entre les variétés anciennes qui sont issues de la sélection horticole, et celles issues de la sélection paysanne. Cette dernière, empirique, a naturellement favorisé les variétés les plus faciles, les moins malades. Toutes les variétés anciennes ne sont pas des variétés paysannes. Quant aux modernes, elles sont issues d’un panel restreint de quelques variétés qu’on réhybride à-tout-va, avec des critères de sélection favorisant les plus “belles”, les plus productives. On ne s’inquiète pas des maladies : pour cela, on a la chimie… Plus récemment a été mené un travail pour créer des variétés résistantes aux maladies. Pour la tavelure du pommier, par exemple, on a introduit un gène de résistance à la tavelure. Avec, pour conséquence, l’effondrement de cette résistance quand le gène est contourné ! Les variétés paysannes, qui sont construites sur des résistances plurigénétiques, sont beaucoup plus résilientes, et ne connaissent pas ces effondrements. Le mode de conduite des arbres est important. Dans un verger en fond de vallée, avec beaucoup d’humidité, même les variétés anciennes seront plus sujettes aux maladies que dans un verger situé dans un endroit bien aéré. J’ai aussi pu constater que si on taille et on arrose les arbres à tort et à travers, on aura des maladies. Et pour finir, même avec des variétés anciennes, la monoculture ne passe pas ; il faut de la diversité.

 

 

Propos recueillis par Véronique Buthod – Illustrations Titwane

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