Tout est possible (partie 3/4)

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Au cœur même de la matière se cache un extraordinaire secret : le don absolu du vivant, vers toujours plus d'abondance et de diversité. Aujourd’hui nous avons toutes les clefs en main pour y retourner. Il nous manque juste un détail : changer totalement de paradigme. Comprendre les lois fondamentales du vivant, les appliquer, et transformer le monde pour les 3000 années qui viennent.
Aujourd’hui -juste aujourd’hui- tout est possible.

Dans le mouvement du monde

Mais il ne s’agit pas uniquement de produire pour les humains. Produire ? Celui qui « produit » peut prétendre posséder sa production. Mais c’est la graine qui déploie l’arbre ou la plante, c’est la brebis qui porte l’agneau.
Notre vocabulaire nous permet de nous substituer à l’intelligence profonde du monde vivant. De nous croire gestionnaire avisé et propriétaire possédant.

Si nous pouvons infléchir les conditions pour recueillir une certaine production, nous ne sommes en aucun cas des dieux créateurs. Dans ce que nous croyons produire, le tissage sauvage du vivant porte partout sa marque : des bactéries omniprésentes aux micro-organismes qui permettent au sol de nourrir et d’exister. De l’empreinte des derniers millions d’années d’interactions qui ont créé le port et la rugosité de l‘écorce d’un arbre au ballet de pollinisation subtil du vent et des insectes.
Tout ne sort pas du chapeau par magie. Nous sommes en permanence redevables aux systèmes biologiques. Notre vie même en dépend.

Nous ne serons jamais des créateurs et donc des « producteurs ». Mais nous pouvons tout mettre en œuvre pour que le tissage dynamique et ses myriades d’interactions se déploient vers un objectif donné. Tout en étant incapables de tout comprendre et, surtout, de tout maîtriser. Et c’est tant mieux, un peu d’humilité n’a jamais fait de mal à personne.
Il s’agit de passer du lien d’assisté/destructeur au lien de réciprocité.

Nous ne pouvons donc pas nous pencher sur la terre uniquement pour les besoins humains. Nous pouvons réfréner notre avidité mortifère et accueillir plus de récolte, sur moins d’espace, en laissant le milieu plus riche et plus divers à chaque saison. En prenant soin autant des liens humains que de la résilience alimentaire locale.

Comment peut-on prétendre produire, gérer, contrôler ou protéger des systèmes et des dynamiques d’une complexité sans nom ? Ils nous ont à la fois constitué et créé en tant qu’êtres biologiques. Prétendre être les gestionnaires intelligents de cette planète serait à la fois orgueilleux, déplacé – et complètement faux. Il nous faut ouvrir à nouveau l’espace pour le sauvage, l’espace pour notre humilité. Il nous faut surtout l’accepter. Accepter sa présence en nous, autour de nous, et lui laisser bien plus de place dans notre manière de penser.

Des millénaires d’essais-erreurs ont développé des outils d’une incroyable sophistication pour chaque organisme. Ces multitudes de technologies – becs ou racines, équilibre chimique, vol plané et ramure, cellules spécialisées, vue, ouïe, toucher, odorat, rigueur mathématique dans la disposition des bourgeons d’un arbre, ces folies extraordinaires sont en constante adaptabilité. Chacune a des fonctions dans l’inconcevable tissage entre les êtres vivants. Chacune a son rôle à jouer.

La diversité du vivant sauvage assure notre propre sécurité alimentaire, notre propre santé. Il nourrit en permanence notre capacité de résilience en tant qu’organisme biologique et garantit la pérennité de notre espèce. Laissons-le circuler et se déployer sans nous croire supérieurs. Laissons-lui l’espace pour inventer la cicatrisation du monde que nous avons détruit.

Le vivant est puissant et tend vers l’abondance. Nous faisons partie du vivant. Nous pouvons nous remettre à l’écoute. Redevenir apprentis.

 

Un équilibre dynamique

Et, c’est la logique même, aucun organisme n’a d’intérêt à se saboter lui-même. Aucun ne connaîtra de ravageurs s’il est en bonne santé.

Dans les systèmes vivants, être en bonne santé signifie que l’organisme en question utilise ses outils pour réaliser ses fonctions dans un mouvement continu vers l’abondance. L’énergie générée par la photosynthèse est précieuse. Si une plante ou un système cesse d’être utile au mouvement vers l’abondance, son énergie est recyclée et réajustée. Ni faux semblant ni excuse, pas d’échappatoire. Si une plante est à sa place au bon moment et au bon endroit, dans un contexte où ses interactions sont bénéfiques à l’ensemble, elle ne sera pas touchée.

Comme chacun dépend des autres, il ne peut y avoir de « ravageurs ». Les espèces destructrices ou les maladies sont des indications que les systèmes sont abîmés ou en voie de rééquilibrage. Ces « ravageurs » ne sont pas la problématique donc, mais des professeurs et des indicateurs. Si certains systèmes ont plus de facilité à retrouver l’équilibre, des millénaires sont parfois nécessaires après un choc entre deux écosystèmes ou après une extinction de masse.

Comme chacun dépend de la totalité, les notions de « nature » et de « ressources » n’ont pas de sens. Ces mots-là, nous pouvons les rejeter en-dehors de nos corps et de notre quotidien. S’en préoccuper le week-end. Le vivant, lui, s’impose en permanence, il n’est pas négociable. Il sous-entend aussi qu’il n’y a pas de « ressources » à « exploiter ». Car si nous faisons partie intrinsèquement des systèmes vivants, comment pouvons-nous arracher une partie de nous-mêmes ou la vitalité de ce qui nous est associé ?

 

Vivants

En tant qu’être sensible, chacune de mes cellules et chaque partie de mon corps est la somme unique de la totalité des interactions du vivant depuis le début du monde. Les atomes qui me composent sont aussi vieux que l’univers lui-même. Comme tous les autres êtres je suis l’enfant de l’alliance des deux puissances de vie, l’eau et la photosynthèse. Elles me nourrissent jour après jour, offrent de l’air à mes poumons, de l’ombre en été, de la chaleur en hiver, de l’eau tous les jours de l’année.

Ce qui me définit dans le tissage des langues et des cultures, l’identité que l’Histoire m’a façonnée : tout procède de la force primaire de la photosynthèse, tout lui est relié. Comment ne pas rendre conscient chaque pas posé sur cette terre, en connivence avec elle et les milliards d’êtres vivants qui la composent ?

Comme le dit un proverbe indien : c’est la manière de marcher sur la terre qui rend la terre sacrée. Si le don est le premier mouvement de ce monde, la gratitude est le second. Une gratitude folle, un « merci pour tout » qui reste la première intention du jour. Merci.

La gratitude est la petite sœur de l’amour. Nous pouvons semer, tailler, prendre conscience, et laisser à notre tour le monde plus riche et plus vivant que le jour où pour la première fois le sol nous a portés. Merci.

Le jardin est un espace de semis et de récolte, de planification et de jeux. Le jardin est un espace de possibles et d’inconnus, de gratitude. Un temple joyeux, impermanent, interdépendant et composé – notamment du jardinier. Le jardin, mais aussi le vivant sauvage qui nous constitue, et dont nous sommes un rouage minuscule. L’avidité et la destruction ne doivent pas nous faire peur. Elles doivent, certes, être ralenties, mais elles sont vouées à l’autodestruction et au non-sens. Quand elles deviennent la norme d’une civilisation, celle-ci s’éteint. L’Histoire encore se répète. Elles n’ont pas de place dans un monde façonné par le don. Personne ne peut remercier sa mère pour la vie qu’elle donne l‘avidité au cœur et les armes à la main.

 

Tout ce qui simplifie nous rend plus faible

Nous croyons à la gestion et à la maîtrise. Elles nous amènent systématiquement à la simplification et dans l’impasse des produits chimiques, de la pollution, du gâchis organisé et de l‘appauvrissement. Ces croyances nous entraînent au détournement de tous les cycles de l’eau. Elles nous font créer et même défendre des jobs aliénants, de la souffrance sans fin sur toutes les chaînes de production, de la violence institutionnelle. Elles nous enchaînent à une nourriture insipide et si pauvre en nutriments et en antioxydants que nos sociétés gavées souffrent de malbouffe.
Notre alimentation devrait être notre première médecine, pas une des premières causes de maladies et de mortalité. Il se pourrait que la manière de la faire pousser soit notre principal remède.

La liste des questions s’impose : pourquoi s’empoisonner ?
Comment peut-on parler de la souveraineté d’une nation sans souveraineté alimentaire ? S’intituler démocratie sans pouvoir nourrir sa propre population ? Qui, dans ce cas, de l’Etat ou de l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique et financière détient les ficelles du pouvoir ?
Peut-on vraiment se croire en sécurité en laissant entre les mains de l’agrobusiness notre propre survie alimentaire ?
Et surtout, que pouvons-nous faire ?

 

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