Sursaut pour la Nature… et si on commençait par appeler un chat, un chat ?

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S’engager pour la planète, proposer des solutions pour l’avenir… Entre coups de cœur et coups de griffes, des auteurs, autrices, acteurs et actrices de Terre vivante prennent la plume et livrent leur vision sur un thème qui les touche particulièrement. Rédacteur du magazine Les 4 saisons, auteur de livres chez Terre vivante, Xavier Mathias livre ici ses réflexions sur les discours entendus au cours d’un été… brûlant. Un appel à prendre – enfin – en considération la Nature.

Aimer la biodiversité – virus inclus – ne consiste pas à le répéter en permanence comme un mantra, mais à commencer par l’accepter dans son entièreté, sans choisir ni décider de qui a le droit de siéger, particulièrement quand l’essentiel de notre action consiste à détériorer, si ce n’est détruire, notre environnement.

J’aime particulièrement quand les journalistes n’écoutent pas eux-mêmes ce qu’ils disent. Les exemples ne manquent pas. Le début de l’été, par exemple, fut dramatique avec ces gigantesques incendies dans les Landes. Il n’était pas rare d’entendre, au cours d’un même reportage d’ailleurs, que « des milliers d’hectares de forêt ont brûlé », que « la pinède était réduite en cendres ». Quel est le rapport entre la forêt et une pinède ? Il y en a autant qu’entre un champ de maïs et un potager. Confondre ces alignements de résineux – à ce sujet, quand j’étais enfant, on me disait de ne pas jouer avec les allumettes –, est une bêtise crasse qui peut nous amener à reproduire la même erreur en prenant des vessies pour des lanternes, en pensant qu’une monoculture de résineux ait un quelconque rapport avec une forêt. Les jardiniers connaissent les limites d’une haie de thuyas et, quand ils plantent pour border leur jardin, ils prennent grand soin de diversifier les espèces. Peut-être peut-on espérer que ce que nous nous avons compris, pourrait aussi, un jour, l’être par les journalistes ou décideurs… 

BIODIVERSITÉ… DE QUOI PARLE-T-ON EXACTEMENT ?

Il est bien d’autres mots employés “à tout bout de champ”, c’est le cas de le dire, conduisant à de bien sinistres conséquences. Ainsi, chacun se prononce pour la “biodiversité” ; c’est maintenant accepté quand ce n’est réclamé. Mais de quoi parlons-nous exactement en fait ? Le frelon asiatique ou la renouée du Japon ne feraient-ils pas partie de la “biodiversité” pour que nous ayons décidé de les éradiquer de nos paysages ? N’importe quel primatologue l’a compris et s’épuise à nous l’expliquer : ce n’est pas seulement de protéger les grands singes qui importe ; leur protection passe impérativement par celle de la forêt, du milieu dans lequel ils vivent. Une espèce est plus que dépendante, elle est inféodée à son milieu. Saboter l’espace amène invariablement à un déséquilibre où quelques espèces, animales ou végétales, sauront se développer dans les niches “écologiques” laissées vacantes par d’autres. Aimer la biodiversité – virus inclus – ne consiste pas à le répéter en permanence comme un mantra, mais à commencer par l’accepter dans son entièreté, sans choisir ni décider de qui a le droit de siéger, particulièrement quand l’essentiel de notre action consiste à détériorer, si ce n’est détruire, notre environnement.

Et voilà. Le mot est lâché : en-vi-ron-ne-ment. Selon le dictionnaire Le Robert, l’environnement pris dans ce sens est « l’ensemble des conditions naturelles et culturelles qui peuvent agir sur les organismes vivants et les activités humaines ». Et c’est ça qu’il faudrait préserver ? C’est une plaisanterie, j’espère. L’avons-nous seulement regardé, cet environnement désastreux ? Il ne s’agit plus de le préserver, mais impérativement de le changer ; c’est la Nature qu’il faut protéger, pas les catastrophiques résultats obtenus sur ces “conditions naturelles”, à cause précisément de l’action “culturelle” d’une poignée de sinistres personnages fermement décidés à tirer profit de tout ce que notre planète peut offrir.

LE SENS DES MOTS… ET DE L’ACTION

N’allons pas imaginer qu’il ne s’agisse ici que de pure rhétorique, d’une dialectique tatillonne déplacée à l’heure où la maison brûle. Comment s’étonner que l’incendie gagne, quand les habitants du Pays de Cocagne que nous sommes entendent à longueur de journée qu’une pinède est une forêt, que la biodiversité se choisit, tandis qu’“environnement” est nettement plus politiquement correct que “Nature”.

Les mots ont un sens. Comme l’action. C’est pour cette raison que je laisse la conclusion aux zadistes de Notre-Dame-des-Landes, parfaitement cohérents sur les deux plans. Un des slogans que l’on pouvait lire ou entendre sur la ZAD, une des sagesses pourrait-on dire, est : « Nous ne sommes pas des défenseurs de la Nature, nous sommes la Nature qui se défend ».

Combien, à la différence des précédents, des mots, quand ils sont justes, sont porteurs d’espoir.


Xavier Mathias est formateur en maraîchage et jardinage bio. Il est également conférencier, rédacteur pour Les 4 saisons, le magazine de Terre vivante, et auteur de nombreux ouvrages dont La vie érotique de mon potager, Le potager d’un frimeur et Le potager d’un rêveur (à paraître en octobre 2022).

 

Titwane |

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