Il a fallu deux à trois générations pour perdre le lien avec ces pratiques économes et ingénieuses développées par nos aïeux. D’ailleurs, il est grand temps de réintégrer des “basiques” à l’école, comme le jardinage ou la cuisine, pour l’avenir de nos enfants !
L’autonomie totale n’est pas une fin en soi, et la solidarité nourrit tant le corps que le cœur et l’esprit !
Cultiver un lopin de terre et élever quelques animaux pour sa propre consommation prend de plus en plus de sens. Les dérives de l’agroindustrie, l’urgence climatique et environnementale, les crises politico-économiques et sanitaires questionnent le mode de consommation de masse : problèmes de ravitaillement, prix exorbitants… Et si c’était le signal pour redéployer des systèmes alimentaires résilients et respectueux de l’Homme et de la Terre ? Nous, auteurs et lecteurs de Terre vivante, en sommes tous convaincus !
Mais comment passer à l’acte ? Il a fallu deux à trois générations pour perdre le lien avec ces pratiques économes et ingénieuses développées par nos aïeux. D’ailleurs, il est grand temps de réintégrer des “basiques” à l’école, comme le jardinage ou la cuisine, pour l’avenir de nos enfants ! Comment donc faire sa transition dans la société actuelle, entre boulot, enfants et contraintes de la vie quotidienne ? Nombreux sont ceux qui en rêvent mais ne savent pas comment franchir le pas. Et je les comprends bien, étant moi-même partie de rien, il y a une dizaine d’années, lorsque, fraîchement diplômée et quittant le cocon familial, je me suis lancée dans la vie active. Et pourtant, c’est à la portée de tous !
UN PREMIER POTAGER DE 6 M2
L’indispensable est de disposer d’une terre, mais nul besoin de se ruiner : des jardins partagés fleurissent partout, permettant de cultiver même au cœur des villes. Mon premier potager de 6 m2 se situait à dix minutes à pied de l’appartement que je louais à Bruxelles pendant mon doctorat. Vous n’imaginez pas ce que j’ai pu faire pousser sur ce lopin ! Et quel plaisir d’échanger trucs et astuces avec les autres jardiniers. C’est là que, malgré ma formation (très théorique !) d’ingénieure agronome, j’ai appris à mettre des graines en terre et à soigner des légumes. Habitant aujourd’hui en zone rurale, j’ai pu agrandir les surfaces de culture pour être rapidement autonome en légumes. Les poules ont rejoint le projet, suivies des chèvres, moutons, canards, oies, et cochons. Ils sont des compagnons de vie quotidienne, des fournisseurs d’œufs, de lait, ou de viande, et aussi des auxiliaires pour gérer les limaces, les tailles, les épluchures, les mauvaises herbes, etc. Tout un écosystème en équilibre et harmonieux !
Chacun ne saurait pas tout cultiver ou élever, par manque de place, de moyens, de temps ou d’énergie. Et tout ne fonctionne pas chaque année ! En cuisine, on s’adapte : soit on mange moins d’un légume, soit on se repose sur les excédents conservés de l’année précédente, soit on achète ce qui nous manque chez des producteurs bio et locaux. Mais le plus gai, ce sont les échanges avec les voisins ! Quelle richesse de partager semences, outils, savoirs, récoltes, recettes, même le travail, ponctuellement, quand des tâches difficiles sont au rendez-vous. L’autonomie totale n’est pas une fin en soi, et la solidarité nourrit tant le corps que le cœur et l’esprit !
Oui, c’est possible ! Pas à pas, cultiver et élever s’apprend, se partage et se savoure au quotidien !
Sylvie La Spina, ingénieure agronome, travaille au développement de l’agriculture biologique et gère une microferme expérimentale, diversifiée et écologique. Elle est l’autrice de Des canards coureurs indiens dans mon jardin et de Des fleurs et des pollinisateurs plein mon jardin.
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