Les épillets soyeux des miscanthus sont sans égal pour jouer avec les lumières de fin d’après-midi. Un détail à prendre en compte pour choisir le meilleur emplacement lors de la plantation.
S. Lapouge |
Originaires de l’Est asiatique, les miscanthus (également dénommés eulalie, herbe à éléphant ou roseau de Chine) peuplent marais et flancs montagneux aux prairies ouvertes et s’épanouissent dans des sols humifères et frais. Cette graminée vivace développe des touffes majestueuses, denses, au feuillage luxuriant. Non traçante, cespiteuse – et de fait non envahissante –, elle se révèle facile à vivre et utilisable partout, même dans les petits jardins. Dans son terroir d’origine, elle pousse en milieu frais mais, au jardin, elle s’adapte à des conditions sèches et chaudes une fois implantée – sa croissance est alors juste un peu réduite. Son port érigé, au feuillage légèrement retombant en fontaine, en fait une plante de structure remarquable. Selon les variétés, le feuillage peut atteindre 1 à 3 mètres de hauteur. En cours d’été et d’automne, émergent de longues tiges portant des épillets de 15 à 20 cm de long, argent, chocolat ou vieux rose, qui accrochent merveilleusement la lumière. En fanant, ils prennent une teinte brune, vieil or ou argentée selon les variétés. Puis, une fois devenus plumets porteurs de graines, ils persistent tout l’hiver, prenant une apparence duveteuse. Les épisodes de givre les couvrent de cristaux étincelants… avant que le vent ne les disperse doucement.
Des plantes pour longtemps
Le miscanthus fait partie de ces vivaces aux très nombreuses variétés, toutes plus attractives les unes que les autres (lire ci-dessous). À l’heure du choix, on prendra en compte l’esthétique mais également leur développement car ce sont des plantes que l’on adopte pour longtemps. Leur croissance est rapide et, une fois installées, elles durent des dizaines d’années, la touffe s’élargissant un peu tous les ans. Il faut donc faire attention à ne pas les implanter à proximité de drains, qu’elles auraient vite fait d’envahir, ou de canalisations et de gaines, qui deviendraient alors inaccessibles, voire bouchées. En revanche, leur réseau de racines très fines ne porte aucun préjudice aux constructions. Dans un petit jardin, optez pour des variétés à développement compact, de bonne tenue jusqu’en hiver pour profiter de leur effet givré.
Associations champêtres
Avec son port souple aux feuilles vert frais, le miscanthus évoque l’eau et la luxuriance des milieux aquatiques. On peut ainsi le planter en bord de mare avec des iris de Sibérie, des ketmies, des lobélias… Dans les massifs, il reste l’une des meilleures graminées pour ponctuer l’arrière des grandes plantations de vivaces, ou alléger et prolonger l’intérêt des bouquets d’arbustes. On l’utilisera pour soutenir les floraisons estivales en le mêlant aux rudbeckias, fenouil, hélianthes, gauras, leucanthèmes, échinacées, Perovskia, Physostegia, persicaires, dahlias, onagres… À l’automne, il tient compagnie aux asters, sedums et anémones du Japon. Les formes compactes font un joli contraste avec les grands rosiers arbustifs et les arbustes, tels les hibiscus, Pittosporum, indigotiers. Dans les haies, on peut l’associer directement dans le tracé, en comptant qu’un miscanthus occupera 1 m², ou alors le planter en avant de la haie, soit en double rangée, soit en groupes de trois à cinq pieds positionnés devant.
Une plante indispensable
Comme il reste très présent au jardin toute l’année, le miscanthus sert de refuge aux insectes. L’hiver, la base des souches très denses sert d’abri aux coccinelles, carabes, staphylins… mais aussi aux escargots, qu’il est alors très facile de retirer au printemps, lors de la taille ! En été, on retrouve sous son ample feuillage des petits lézards, des crapauds, des hérissons et de nombreux insectes qui courent sous le couvert, s’y réfugient ou chassent. Son feuillage persistant filtre le vent, protège de la neige et du froid et permet ainsi d’abriter des plantes sensibles en les plantant à proximité.
D’autre part, le miscanthus fournit en circuit court un paillage de qualité qui se prépare au printemps, lors de la fauche du feuillage au ras des touffes. Il ne faut pas le faire trop tôt pour ne pas déloger ses habitants, ni trop tard pour ne pas couper dans le feuillage neuf. L’idéal est d’intervenir en avril, quand les feuilles vertes pointent le nez. Ensuite, soit on le passe immédiatement au broyeur, soit on le stocke au sec, à l’abri des pluies, pour le broyer plus tard. Si vous n’avez pas de broyeur, on peut aussi le passer sous une tondeuse munie d’un panier de ramassage, voire le couper à la cisaille. Produire son propre paillage est un vrai plaisir et, dès que les pieds sont bien implantés, ce n’est pas une récolte anecdotique. Un atout non négligeable, surtout au regard du prix assez élevé des sacs de paillis de miscanthus vendus en jardinerie (autour de 22 € les 125 litres, pour couvrir environ 2 à 3 m²). Facile à utiliser, il remplace aussi gratuitement le paillage de chanvre et se glisse facilement entre les plantes dans les massifs, où il stimule la microfaune. Au potager, on peut l’utiliser seul ou mélangé à de la tonte de pelouse pour un apport équilibré. C’est un paillage sec, très stable, qui se décompose peu à peu.
Une santé de fer !
Les miscanthus se plantent en septembre-octobre ou en mars-avril, à exposition dégagée et ensoleillée. Comptez un pied par m², ou plus si vous voulez un effet de touffe rapide. Une fois le sol désherbé à la griffe et affiné, creusez un trou assez large pour que la motte s’y glisse à l’aise. Faites tremper vos plantes dans une bassine pour chasser les bulles d’air, mettez en place et rebouchez avec la terre de plantation et une petite poignée de compost pour bien démarrer. Arrosez en cuvette et paillez avec des feuilles ou du broyat. Surveillez l’arrosage le premier été, surtout pour les plantations de printemps ; ensuite, ils se débrouillent.
Ce sont des espèces à la santé de fer, qui ne redoutent ni les insectes ni les maladies. L’entretien se limite à couper feuillage et tiges. Quand les touffes deviennent opulentes, on peut profiter de l’opération pour “gratouiller” au râteau (ou avec des gants) ce qui est sec à l’intérieur. Vous pouvez étaler ce paillage sur place. Après la taille, au printemps, on peut le multiplier par division en prélevant une partie de la souche. Une bonne pioche de chantier s’avère utile mais c’est un geste simple. Aussitôt replantée en pleine terre, la partie prélevée reprend sans problème.
Assimilé abusivement à l’herbe de la pampa, le miscanthus est parfois suspecté de prolifération intempestive. En réalité, le semis spontané n’est pas envahissant et reste limité dans le cadre du jardin. Si vous êtes inquiet, la première façon d’éviter sa propagation est de couper les hampes plumeuses avant qu’elles ne se dispersent.
Brigitte Lapouge-Déjean
Des variétés somptueuses !
- Miscanthus sinensis ’Yakushima Dwarf’ : forme élancée, épillets rose crème dès fin juillet, bien détachés du feuillage. Peut se cultiver dans un bac à arbuste. Hauteur : 1 mètre.
- Miscanthus sinensis ‘Adagio’ : feuillage vert argenté, port compact et largement couvrant. Floraison très abondante dès le mois d’août. Fins épillets rosés puis argent tout l’hiver. Hauteur : 1,20 mètre.
Pour de plus grands massifs
- Miscanthus sinensis ‘Graziella’ : forme dressée au fin feuillage, très florifère. Épillets roses puis argent à maturité. Feuillage automnal remarquable. Hauteur : 1,40 mètre.
- Miscanthus sinensis ‘Gracillimus’ : feuillage vert foncé très fin et épillets rouge sombre. Remarquable s’il est planté isolé. Hauteur : 1,50 mètre.
- Miscanthus sinensis ‘Malepertus’ : large feuillage foncé, très abondant, épillets rouge acajou dès fin juillet, virant argent à l’automne. Hauteur : 1,80 mètre.
Pour haies et paillage
- Miscanthus sinensis ‘Saturnia’ : très ornemental avec ses épis argent dès le mois d’août. Il produit une masse de longues feuilles vert foncé. Hauteur : 2,50 mètres.
- Miscanthus floridulus (ou giganteus) : un géant qui, planté en haie ou en mélange, forme un effet d’écran remarquable et de belle tenue. Très érigé, un peu comme les bambous mais sans en présenter les inconvénients. Floraison rose argenté uniquement en région chaude. Hauteur : 3 mètres.