Le sol, encore et toujours

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S’engager pour la planète, proposer des solutions pour l’avenir… Entre coups de cœur et coups de griffes, des auteurs et acteurs de Terre vivante prennent la plume et livrent leur vision sur un thème qui les touche particulièrement. Jean-Paul Thorez, auteur et premier rédacteur en chef des 4 saisons, se penche avec inquiétude sur la terre vivante, menacée d’artificialisation.
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« La précieuse couche de terre vivante a tôt fait d’être la proie de la mafia des terres. Décapée à coups de bulldozer, elle va à prix d’or recouvrir de bonne “terre végétale” des sols stériles, pollués ou chamboulés. Comme s’il fallait ajouter du tragique à la tragédie. »

« Et ne croyez pas qu’il soit facile de reconstituer un sol vivant. Il faut, paraît-il, mille ans ! Tout ce que nous savons faire, c’est créer des “technosols” à base de compost et terres de récupération. »

Faut-il encore reparler du sol ? Ces derniers temps, c’est devenu un peu mon dada, par la force des choses. Le sol a beau avoir été déclaré officiellement hyper important, je le vois menacé de toutes parts. En dépit d’engagements de “zéro artificialisation”, promis juré, de beaux espaces en herbe, en jardins et en arbres – donc de vrais sols – sont abandonnés par centaines d’hectares à des projets de ZAC, barreaux autoroutiers, centres commerciaux, ou même… voies “vertes” (si, si, j’en connais !). La précieuse couche de terre vivante a tôt fait d’être la proie de la mafia des terres. Décapée à coups de bulldozer, elle va à prix d’or recouvrir de bonne “terre végétale” des sols stériles, pollués ou chamboulés. Comme s’il fallait ajouter du tragique à la tragédie.
Rappelons ce qu’est le sol et pourquoi il faut le considérer comme une ressource précieuse et non renouvelable. Bien plus qu’un simple support physique, c’est une interface vivante entre l’atmosphère et les roches stériles qui composent notre planète. Sur quelques centimètres d’épaisseur se développe tout un écosystème où s’activent par milliards des bactéries, champignons, actinomycètes, vers, insectes, mollusques, myriapodes… On découvre peu à peu l’étendue – et l’importance vitale – des fonctions qu’ils assurent. En véritables “ingénieurs de l’écosystème” (l’expression n’est pas de moi), tous ces êtres font tourner le cycle du carbone, le cycle de l’azote, le cycle de l’eau et divers autres cycles biogéochimiques. Excusez du peu ! Plus concrètement, si la vie peut se développer sur Terre, si nos cultures poussent, c’est bien parce que des chaînes vivantes très élaborées assurent le recyclage des organismes morts, la mise à disposition d’éléments nutritifs indispensables aux plantes, l’infiltration et la rétention de l’eau, la captation de la chaleur solaire, la protection contre l’érosion et les excès du climat grâce au couvert végétal… Autrement, vous avez le Sahara ou la dalle de la Défense ! Et ne croyez pas qu’il soit facile de reconstituer un sol vivant. Il faut, paraît-il, mille ans ! Tout ce que nous savons faire, c’est créer des “technosols” à base de compost et terres de récupération.

LE SOL, UNE RÉPONSE AUX GRANDS ENJEUX ACTUELS

Des livres entiers sont là pour vous en dire plus (et mieux !) sur le sol. Si, dans ma jeunesse, je suis venu au bio et me suis lancé avec d’autres dans l’aventure de la fondation de Terre vivante, c’est parce que je suis tombé au bon moment sur le bon livre : Un grand problème humain, l’humus, publié par André Birre en 1959. Je l’avais dégoté par hasard à la bibliothèque de l’école agronomique où j’étudiais. Puis, grâce à l’association Nature & Progrès, j’ai lu La fécondité du sol, de H. P. Rusch, traduit par notre ami Claude Aubert dès 1972 (éd. Courrier du livre).
Cinquante ans plus tard, le sol se révèle être bien plus encore que le garant de la fertilité de la planète dans le cadre d’une agriculture biologique. Il répond aux grands enjeux actuels.
Le sol vivant protège le climat car c’est un puits de carbone. Il régule l’eau.
Les sols vivants constituent des réservoirs de biodiversité, non seulement celle qu’ils renferment, mais aussi celle qu’ils suscitent du fait de leur immense variété physico-chimique : sols calcaires, acides, humides, pauvres…
Le sol est notre barrière protectrice face à certaines pollutions. Il neutralise ou biodégrade un nombre invraisemblable d’éléments et composés chimiques toxiques.
Bref, il faut plus que jamais protéger nos sols. Nous battre contre les mauvais projets destructeurs de vrais sols. Et bien sûr aimer et bien soigner le sol de nos jardins.


Le sol, encore et toujoursJean-Paul Thorez est ingénieur agronome et ancien rédacteur en chef des 4 saisons, le magazine de Terre vivante. Il est aussi journaliste spécialisé dans le jardinage bio et auteur de nombreux ouvrages à ce sujet.

 

 

 

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