La forêt face à la sécheresse | 4 saisons n°254

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L'édito des 4 saisons n°254 par Marie Arnould, rédactrice en chef.
La forêt face à la sécheresse | 4 saisons n°254

Avec le changement climatique, la forêt française souffre. Certes, l’été 2021 a été loin d’être sec, mais les épisodes de sécheresse et de canicule se répètent. Une étude publiée en 2020 a confirmé les effets du changement climatique sur huit espèces de conifères en France entre 2006 et 2016 : en dix ans, la moitié des peuplements étudiés avaient vu leurs précipitations estivales diminuer de plus de 25 %. Ce manque d’eau impacte fortement les forêts : les hêtres du nord-ouest de la France souffrent, les chênes pédonculés du Centre aussi. Les arbres affaiblis deviennent une proie de choix pour les ravageurs : depuis 2018, les épicéas plantés en plaine sont attaqués par les scolytes, provoquant d’impressionnants dépérissements dans l’Est. Quant aux frênes, les sécheresses estivales les rendent plus fragiles face à la chalarose qui s’étend dans le pays.

LES EUCALYPTUS, UNE SOLUTION ?

Face à ces menaces de dépérissement, le programme national de la forêt et du bois 2016-2026 encourage la plantation d’essences plus tolérantes à la chaleur et à la sécheresse, préconisant 129 espèces d’arbres éligibles aux subventions. Le problème, alerte la Société botanique française dans son Livre blanc sur l’introduction d’essences exotiques en forêt, c’est que sur ces 129 essences, 67 sont exotiques, soit 52 %. Or les retours d’expériences sur ce type d’introduction sont souvent décevants, voire alarmants, estiment les botanistes. « La composition des listes n’a pas fait l’objet de validation scientifique et ces espèces exotiques n’ont pas ou peu été évaluées préalablement à la décision de leur introduction “en masse” dans les forêts françaises », notent les auteurs, emmenés par Guillaume Decocq, chercheur au CNRS. Ils s’étonnent notamment que les eucalyptus soient préconisés, alors qu’ils favorisent la survenue d’incendies de grande ampleur, comme à l’été 2017 au Portugal – où ils couvrent plus de 1,5 million d’hectares. Outre le risque d’incendie, les eucalyptus produisent une litière aux molécules peu biodégradables, voire toxiques pour certains organismes indigènes du sol, ce qui est également le cas du chêne rouge d’Amérique ou du noyer noir, créant ainsi des sols peu végétalisés et exposés aux risques d’érosion. L’État aurait-il confondu vitesse et précipitation ? Le plan France Relance, qui a accéléré la mise en œuvre de cette politique avec 150 millions d’euros de subventions, avait été annoncé le 3 décembre 2020. Avec une date de clôture des dossiers le 7 janvier 2021… les forestiers n’avaient donc qu’un mois pour formuler leurs projets. À quand une vraie concertation sur la forêt ?

 

Marie Arnould

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