Si vous rencontrez un nid lorsque vous taillez, évitez de dénuder son environnement, ce qui le rendrait particulièrement vulnérable face aux prédateurs. Vous taillerez plus tard !
S. Lapouge |
Dès la fin de l’hiver, au premier rayon de soleil, les jardiniers ne tiennent plus en place : la taille est la grande affaire du printemps. Depuis des lustres, on intervient majoritairement en mars‑avril, sans trop se soucier de l’impact qu’un tel geste peut avoir sur l’environnement. Cependant, les oiseaux se raréfient de façon alarmante et la LPO incite chacun à être attentif et à ne pas intervenir en période de nidification, afin de protéger les nichées. Il faudrait donc pratiquer les élagages importants avant que les oiseaux ne construisent leur nid pour éviter la destruction de leur habitat, puis attendre l’envol des derniers oisillons.
Ce qui nous conduit à remballer cisaille, taille‑haie et tronçonneuse jusqu’à la fin de l’été. Soit un chamboulement total des habitudes, qui peut aussi avoir un impact sur les plantes et leur floraison.
Interdictions ou préconisations ?
De trop nombreux amalgames sur ce qui est interdit – ou pas – ont amené bien des confusions. La LPO a publié des préconisations de non‑taille pour la période allant du 16 mars au 31 août et préconise une taille automnale, sans trop se préoccuper du métabolisme des plantes et des disparités régionales. De son côté, l’Office français de la biodiversité (OFB) fait de même pour la période du 16 mars au 15 août. Sachant que des arrêtés préfectoraux peuvent également faire varier les dates. L’interdiction stricte, « au titre des bonnes conduites agricoles et environnementales », concerne les agriculteurs bénéficiant d’aides de la PAC et leur interdit de couper et d’élaguer du 16 mars au 15 août, avec des modulations préfectorales. Cette réglementation concerne donc les agriculteurs. Mais elle n’exempte pas totalement les jardiniers car il ne faut pas oublier l’article L411-1 du code de l’environnement qui, lui, concerne tout un chacun (ainsi que les collectivités).
Ce dernier précise que « détruire le nid d’une espèce protégée constitue un délit passible de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende ». Les oiseaux du jardin étant des espèces protégées, à nous de voir comment prendre soin de leurs nichées.
Taille tôt ou carrément tard ?
Nous voici donc face aux problématiques d’un écosystème, le jardin, dont il faut prendre en compte la globalité pour ne pas en perturber une partie, les oiseaux, tout en voulant prendre soin d’une autre, les arbres et arbustes. Le problème émergeant va être de trouver un compromis entre la nécessité de protéger les nichées et celle de tailler arbres et arbustes à une période adaptée à leur croissance, en intervenant avec précaution et observation. Et en intégrant que les grandes périodes habituellement dédiées à la taille sont différentes selon le type de plantes.
L’élagage des arbres et les travaux importants de recépage des haies se pratiquent le plus souvent avant la montée de sève, c’est‑à-dire en fin d’hiver. Là, pas de problème car les oiseaux prennent encore leurs marques – même si certains casaniers apprécient de revenir occuper le gîte de l’an passé.
Les haies monospécifiques de feuillus (charme, troène, laurier, buis, fusain…) se taillent, elles, souvent au printemps, en mai‑juin, après une première croissance qui facilite l’opération car le bois est tendre et cicatrise facilement. Pour ces espèces, il vaut mieux avancer la taille à début mars. Ce n’est pas grave si le dessin de la haie n’est pas trop net le reste de l’année. Les tailler à l’automne (souvent après un été sec) n’est pas le meilleur moment pour leur métabolisme.
Ou alors, on peut pratiquer une taille légère en septembre, juste après les premières pluies d’équinoxe qui permettront aux plantes de repartir. Attention dans les régions froides car si on taille en octobre, on expose les essences les plus sensibles (laurier‑rose, choisya, laurier‑tin) au gel des nouvelles repousses, ce qui les affaiblit.
Les choses se compliquent avec les haies diversifiées, les haies fleuries et celles dans lesquelles la floraison joue un rôle important pour attirer et fidéliser les insectes auxiliaires ou les pollinisateurs. Si on taille des espèces qui forment leurs bourgeons floraux l’année précédente, une taille automnale va réduire drastiquement la floraison. C’est le cas des forsythia, mahonia, deutzia, kolkwitzia, spirée, seringat, troène, viorne… qui doivent être taillés dès la fin de leur floraison, soit sur une période qui va d’avril à juin. Là, nous sommes en zone rouge ! Quant aux arbustes à baies (sureau, pyracantha, cotonéaster, éléagnus, fusain, prunellier, aubépine, etc.), ils se taillent pour limiter leur croissance mais surtout pas en septembre, au risque de perdre leur fructification.
Le problème est identique avec les arbustes à fleurs estivales (buddleia, indigotier, gattilier, lagerstroemia, escallonia), qui sont taillés au départ de la végétation, c’est‑à-dire en mars‑avril, afin de stimuler les pousses qui porteront les fleurs. Dans la même problématique figurent également les rosiers : il n’est pas rare de trouver des nids dans les rosiers arbustifs et grimpants qui sont intégrés dans les haies. Pour les rosiers fleurissant une seule fois (les non‑remontants), on peut les nettoyer en fin d’été mais, en faisant cela, on privera les oiseaux des cynorrhodons. Pour ceux qui fleurissent plusieurs fois et se taillent en février‑mars, il faudra aussi faire attention. De même pour les grimpantes.
Observer et s’adapter
L’observation permet de repérer le petit manège de va-et-vient des couples d’oiseaux lors de la construction des nids (transport de brindilles, de mousse, de plumes) mais aussi pendant le nourrissage. Cette attention évite de retrouver des nids abandonnés ou mutilés par le taille-haie.
S. Lapouge |
Pour trouver la meilleure solution, le bon sens et l’observation sont essentiels. Cela permettra de faire du cas par cas. On taille les arbustes en fonction de la nécessité en n’oubliant pas qu’il n’y a pas besoin de tous les tailler chaque année.
Avant toute chose, il est très important de connaître la population des oiseaux de son jardin afin d’éviter de les déranger. Sortir en hiver, regarder ce qui se passe au niveau des points de nourrissage, reconnaître les chants de parade, remarquer l’arrivée et l’installation des migrateurs en février‑mars… tout ceci va donner de précieux indices. Les haies abritent de nombreuses espèces et il y a du monde à tous les étages. En partie basse, on trouve le rougegorge et l’accenteur mouchet ; à mi‑hauteur, la fauvette, le merle, la mésange à longue queue, le pinson, le verdier.
Les mésanges charbonnières et bleues utilisent, elles, des cavités d’arbres ou de murs et sont moins impactées. Les tourterelles des bois et les sittelles nichent plus haut. Il faut donc passer du temps à observer discrètement les va‑et‑vient de tout ce petit monde. Le jour J, avant de vous lancer dans la taille, faites une dernière inspection pour vérifier s’il n’y a pas d’habitant (ou de nid avec des œufs) et allez‑y doucement. La taille manuelle, qu’elle soit à la cisaille ou au sécateur, reste la plus sûre car un bon jardinier prend son temps. Tailler ce n’est pas raser haie et arbuste pour les transformer en cube. Faites une sélection sur les branches à couper, rabattre, éclaircir. Reculez, jugez de l’effet. Tout ceci donne le temps de détecter un nid passé sous les radars… ou à l’oiseau de s’enfuir ! Dans ce cas‑là, arrêtez tout et rangez le matériel. Et reprenez une observation discrète pour continuer le travail quand les oisillons se seront envolés. Si c’est absolument urgent, reprenez la taille 8 mètres plus loin, sans vous attarder. Pour les longues haies, privilégiez le mois de septembre, en épargnant les arbustes à baies et à fleurs qui seront taillés au sécateur en plusieurs fois au printemps suivant. Et, surtout, si vous ne pouvez pas tailler comme d’habitude, ce n’est pas grave !
Vous interviendrez l’année suivante – ou pas – afin de laisser aux arbustes plus de liberté et aux oiseaux la quiétude de nicher au jardin.
Brigitte Lapouge-Déjean
 
                            
 
                                                            



