Expérimentation : Les meilleures tomates du monde | 4 saisons n°258

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Quand il s’agit de variétés, les jardiniers ont leurs chouchous. Mais pourquoi s’en tenir aux variétés classiques ? Pascal Antigny, collectionneur de tomates et membre de l’association Cultive ta rue, nous propose une sélection de tomates « parmi les meilleures au monde », que nous avons testées.

Pascal Antigny, de l’association Cultive ta rue, met en garde : « N’attendez pas que les tomates vertes soient trop mûres, car elles deviennent farineuses ou aqueuses, selon les cas ».
J. Rivoire
| Terre vivante

Quelles sont les meilleures tomates ? Le magazine Les 4 saisons a posé cette question à Pascal Antigny, tomatophile membre de Cultive ta rue. L’association compte 1 967 variétés dans son catalogue… C’est beaucoup ! Alors quelles seraient, disons, les cinq variétés qui gagneraient à être connues ? « Il y a pas mal de belles et bonnes variétés de tomates, mais certaines sont incontournables de par leurs qualités et surtout parce qu’elles réussissent en années difficiles, comme 2021. Je pense à ‘Rosa de Barbastro’, ‘Sunrise jazz’, ‘Rose d’Eauze’, ‘Del Nerpio verde’, et ‘Sweet cream’. Je suis déjà à cinq. Mais on peut aussi ajouter ‘Green doctor’s frosted’ et bien d’autres. » Cette année, notre essai variétal a donc porté sur six variétés.

Il ne vous aura pas échappé qu’en matière de météo, 2022 a été bien différente de 2021. Son antithèse, peut-être. Avec la sécheresse et des canicules à répétition, au Centre Terre vivante (Isère) comme ailleurs, point de mildiou à l’horizon. Pour peu qu’on disposât d’une réserve d’eau suffisante, les tomates pouvaient prospérer sans retenue. Quoique. Les plants ont souffert des températures dépassant souvent les 30 °C, voire 35 °C. Non seulement ces températures excessives ont mis à mal la nouaison (phase de formation des fruits), donnant lieu à des avortements de fleurs, voire de bouquets entiers, mais elles ont également perturbé le mûrissement des fruits ! Si bien qu’au Centre Terre vivante, la première récolte de tomates n’est intervenue que début septembre, le site subissant une alternance de nuits fraîches et de journées torrides, tout cela en situation de déficit hydrique caractérisé.

PRODUCTION PERTURBÉE

Les résultats présentés ici concernent des plants installés dans l’agglomération grenobloise, non moins brûlante, mais avec des températures moins fluctuantes : en juillet, quinze jours consécutifs au-dessus de 32 °C et plusieurs pics à 37 °C. De quoi détraquer la production, sachant que la pollinisation est compromise dès 27 °C ; un phénomène auquel s’ajoute une probable perturbation des insectes pollinisateurs eux-mêmes. Cela explique sans doute la chute brutale de production observée environ un mois après les plus fortes chaleurs. Autre phénomène : un mûrissement plus tardif, la production d’éthylène – gaz responsable du mûrissement des fruits dits “climactériques”, comme la tomate – étant retardée par des températures trop élevées. Celles-ci perturbent également la synthèse des caroténoïdes, principaux pigments des tomates (elle est totalement inhibée au-dessus de 35 °C).

Bref, des phénomènes inhabituels mais qui pourraient se révéler plus fréquents à l’avenir, compte tenu du changement climatique qui se profile. Notons à contrario que le stress hydrique a pu avoir des effets positifs sur la qualité gustative des tomates, car il induit une accumulation dans le fruit de certains composés (sucres, vitamines, caroténoïdes…) . Semés le 19 mars, les plants de tomates ont été repiqués le 8 mai près de Grenoble, en extérieur, à la faveur d’un printemps particulièrement doux. La production a démarré fin juin avec ‘Sweat cream’, puis ‘Sunrise jazz’ et ‘Del Nerpio verde’. Faute de pouvoir vérifier les assertions de Pascal Antigny concernant leur résistance au mildiou, nous pouvons déjà considérer le comportement de ces variétés en période caniculaire.

 

‘Rosa de Barbastro’


Sur la variété ‘Rosa de Barbastro’, la chaleur est responsable d’un phénomène de green shoulder : cette persistance anormale de la couleur verte au niveau du pédoncule lors de la maturation est sans conséquence sur le goût du fruit.
J. Rivoire |

« Elle est considérée comme l’une des meilleures au monde. » C’est en ces termes que Pascal Antigny évoque cette tomate rose originaire de la région d’Aragón (Espagne). Son goût, fruité et dépourvu d’acidité, est tout simplement à tomber par terre. ‘Rosa de Barbastro’ présente une peau fine et chair généreuse, presque sans graines. Il s’agit d’un gros calibre, de 350 g en moyenne, avec un record à 810 g obtenu au Centre Terre vivante. Variété de mi-saison, elle a délivré ses premiers fruits 82 longs jours après la plantation…


‘Rosa de Barbastro’ a la chair particulièrement dense et contient très peu de graines. Bien qu’un peu moins savoureuse, ‘Sweat cream’ apporte sa couleur aux salades d’été.
J. Rivoire |

 

‘Rose d’Eauze’


J. Rivoire |

Variété ancienne originaire du Gers, redécouverte il y a une dizaine d’années, ‘Rose d’Eauze’ produit des fruits de gros calibre (350 g), légèrement aplatis. Record atteint : 655 g. Les fruits ont parfois tendance à “s’enrouler” autour du pédoncule, ce qui est plus gênant à la récolte qu’à la découpe. La première récolte a eu lieu en même temps que celle de ‘Rosa de Barbastro’. Très généreux, le fruit est charnu et sa saveur délicate et sans acidité. Les plants et fruits ont bien supporté les chaleurs caniculaires.

 

‘Sunrise jazz’


J. Rivoire |

C’est une merveille. Avec ses zébrures et son aspect cuivré, ‘Sunrise jazz’ enchante le potager. Très productive en début de saison (fin juin-début juillet), elle a vu son développement – qui promettait d’être important – freiné par les excès de chaleur. Ses fruits d’environ 250 g ont une chair juteuse et parfumée.

 

‘Sweet cream’


J. Rivoire |

‘Sweet cream’ a montré sa précocité en produisant des fruits 49 jours après la plantation. Originaux par leur forme oblongue et pointue et leur couleur rouge orangé, ils sont d’un calibre modeste (70 g), produits par dizaines. Leur chair est succulente et juteuse. Cette variété a bien supporté la chaleur de l’été mais beaucoup moins le retour de la pluie mi-août, avec un éclatement systématique des fruits.

 

‘Green doctor’s frosted’


J. Rivoire |

Il faut être un peu “bec sucré” pour savoir l’apprécier. ‘Green doctor’s frosted’ est la plus sucrée des tomates que nous avons dégustées. Plus encore que la ‘Raisin vert’ testée l’an passé. Très productifs, les plants ont développé de grandes grappes d’une douzaine de fleurs en “arête de poisson”. On finit par ne plus compter les petits fruits verts, calibre “cerise”. Elle est idéale pour équilibrer des salades de tomates un peu trop acides.

 

‘Del Nerpio verde’


J. Rivoire |

Pour Pascal Antigny, c’est sans doute la meilleure tomate verte qu’il connaisse. « Dans le monde de la tomate, on dit que la meilleure est une Russe, ‘Malakhitovya Shkatulka’. Mais alors là, elle est battue en tout : en résistance, en productivité et en saveur. » Variété de mi-saison, ‘Del Nerpio verde’ débute sa production 72 jours après la plantation. Ses fruits, d’un vert brillant, tirent sur le jaune au cours de la maturation. Le poids moyen obtenu est de 235 g (un pic à 430 g). La très grande fermeté de sa chair est remarquée.

 

Josselin Rivoire

 

 


 

Une bonne tomate ?

Le marché mondial a longtemps orienté la sélection variétale vers le rendement et la conservation, au détriment de la qualité sensorielle des fruits. Depuis une dizaine d’années, les scientifiques s’efforcent de déterminer ce qu’est une bonne tomate. « Nous avons réalisé une cartographie des préférences dans trois pays : Italie, Hollande et France. Il est apparu que la saveur – principalement le ratio sucre-acide – et la texture sont très importants. L’apparence influence aussi la satisfaction générale. Des résultats surprenants nous ont conduits à conclure qu’il y avait moins d’écarts de préférences entre les pays qu’entre les classes de consommateurs de ces mêmes pays », expliquait en 2010 Mathilde Causse, directrice de recherches à l’Unité de génétique et amélioration des fruits et légumes, dans un dossier de l’Inrae consacré au goût de la tomate. Alors, aspect extérieur, saveurs perçues au niveau de la langue (acide, sucré, salé, amer), arômes sentis par “voie rétronasale” (fruité, “chimique”, “floral”…) et texture (croquant, ferme, fondant, juteux…) ? Une chose est sûre, la meilleure tomate est celle qui a été cueillie dans le jardin il y a quelques minutes.

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