Éloge des mauvaises herbes | 4 saisons n°249

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L'édito des 4 saisons n°249 par Marie Arnould, rédactrice en chef.
Éloge des mauvaises herbes | 4 saisons n°249 1

« Les mauvaises herbes paraissent farfelues, taquines et inutiles, elles ne sont pas rentables, elles gênent la bonne marche de la société, elles empêchent le touriste de venir, le passant de passer, les investisseurs d’investir, les exploitations d’exploiter. Elles sont si tenaces qu’elles peuvent parfois décrédibiliser un gouvernement. […] Mais c’est exactement ce dont l’avenir a besoin. » C’est en ces termes que Pablo Servigne parle des zadistes qui ont pris racine à Notre-Dame-des-Landes après l’abandon du projet d’aéroport, dans l’excellent recueil Éloge des mauvaises herbes – ce que nous devons à la Zad (éditions LLL Les liens qui libèrent). Opiniâtres, ces mauvaises herbes-là ont empêché l’artificialisation de 1 650 hectares de bocage, un paysage ancestral devenu rarissime en France, une zone humide pleine de tritons et salamandres sans valeur économique. Ils se sont installés pour cultiver ces terres ingrates, parce qu’ils croient en une agriculture paysanne et vivante. Et ce, dans un contexte où, entre 1982 et 2018, 2,4 millions d’hectares de surfaces agricoles ont disparu de France, soit la surface de la Lorraine !

SOULÈVEMENTS DE LA TERRE

Pourtant, l’artificialisation continue. Ainsi le projet de doublement de la RN88 en Haute-Loire prévoit de détruire 140 hectares, dont 80 hectares agricoles, impactant 29 fermes. Le tout pour passer à 2×2 voies 11 km de route, pour la pharaonique somme de 226 millions d’euros… Soit plus de 20 millions d’euros du kilomètre – au bas mot ! Bénéfice escompté ? Éviter la traversée de deux bourgs et gagner 3 minutes de trajet… Outre la destruction de terres agricoles, le projet met en danger 16 habitats d’intérêt communautaire et plus de 100 espèces protégées. Les travaux ont commencé début janvier, par des températures négatives, alors que l’autorisation préfectorale demandait de travailler hors gel afin de limiter les conséquences pour certaines espèces. Surtout, l’Autorité environnementale chargée d’évaluer le dossier estime que ce dernier « ne précise pas en quoi le projet s’inscrit dans l’objectif “zéro artificialisation nette” du territoire, ni comment il intègre et contribue à répondre à l’engagement de la France d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Le projet ne prévoit pas de mesures de compensation pour ces deux sujets ». À la Pentecôte, les zadistes sont venus prêter main forte aux paysans de Haute-Loire, dans le cadre des Soulèvements de la terre. Pour protéger les terres agricoles de l’artificialisation, défendre une agriculture paysanne et penser à l’autonomie alimentaire de demain.

 

Marie Arnould

Crédit photo : J.-J. Raynal

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