Selon les jardins, les buttes ont des formes, des tailles et des usages très différents (ici, dans les jardins du Centre Terre vivante).
JJ. Raynal |
Au contraire du jardinier qui chaque année remet sa terre à nu et la travaille avant de semer, le permaculteur cherche à éviter toute dépense d’énergie inutile, par souci écologique, mais aussi par volonté de laisser faire le plus possible la nature, de co-créer le jardin avec elle. Il laisse sa butte en place, presque toujours recouverte de paille ou de végétaux, comme le sol dans la nature qui est recouvert d’herbe et de feuilles mortes. Cette butte est dite autofertile, bien qu’il y ait quelques interventions humaines, ne serait-ce que pour le paillage.
Les avantages sont nombreux
- On recrée du sol. C’est un avantage si l’on cultive une terre remplie de cailloux ou gorgée d’eau.
- La terre est moins basse ! Pour ceux qui ont mal au dos, c’est un atout, car le sommet de la butte est surélevé d’une cinquantaine de centimètres.
- Elle se réchauffe davantage car les bords de la butte captent mieux les rayons du soleil obliques. Ainsi, l’on peut produire plus tôt au printemps.
- Elle est mieux drainée. L’eau pénètre mieux et ne stagne pas. Plus d’inondations, sauf éventuellement au niveau des allées.
- Les racines se développent mieux, car elles disposent de plus d’espace et le sol est plus aéré.
- On a davantage de place pour cultiver que sur une surface plane, car l’on peut planter sur les côtés et le sommet (et aussi de manière plus serrée : la couche de sol cultivable étant plus importante, les plantes se trouvent moins en concurrence).
- On ne risque pas de marcher dessus sans faire attention et de tasser le sol.
Quelques inconvénients
La butte nécessite un énorme travail au début, ce qui prend du temps et n’est pas très bon pour le dos ! Elle sèche plus vite, surtout en été, car elle est davantage exposée au vent et retient moins l’eau. Attention aussi au tassement : la butte va s’affaisser au fil des mois, nécessitant des apports réguliers, voire une reconstitution après quelques années.
Une solution pour moi ?
Comment savoir si l’on a intérêt à faire des buttes ? Tout d’abord, mieux vaut observer votre terrain. S’il n’est ni trop aride ni trop humide, si l’herbe y pousse bien, si le sol est profond, alors cette forme de culture n’est pas nécessaire. En revanche, si votre sol est de piètre qualité, la culture sur buttes peut être un atout… à condition que vous soyez prêt à manier la pelle.
Quand débuter ?
L’idéal, c’est de réaliser ses buttes au printemps. D’abord, la terre est souvent plus meuble. De plus, « le travail du sol va faire pénétrer l’oxygène, ce qui va favoriser la minéralisation des matières organiques et contribuer à la libération d’éléments minéraux qui vont nourrir les plantes, comme l’azote » explique Gilles Domenech, auteur du livre Jardiner sur sol vivant (éd. Larousse). Une action comparable à celle d’un paysan qui laboure sa terre avec son avantage – une productivité immédiate – et ses inconvénients – le dérangement de la faune du sol : vers de terre, cloportes, mille-pattes… « Des animaux comme les collemboles risquent de ne pas trouver de nourriture et de ne pas pouvoir remonter à la surface, mais des organismes plus petits comme les bactéries résisteront mieux », souligne Gilles Domenech.
Si cet effet coup de fouet lié à l’aération de la terre compense dans un premier temps le dérangement de la faune, il ne durera pas et il risque d’y avoir ensuite « une détérioration de la structure du sol, qui va se manifester par de l’érosion, des croûtes de terre dure en surface ».
C’est pourquoi, il est important de pailler le sol avec des matières organiques (paille, tontes de gazon…), qui vont le protéger de la pluie et du vent et favoriser la vie des micro-organismes, en se décomposant.
Où trouver la terre ?
Le plus simple, c’est de prendre la terre des allées pour réaliser la butte. Si le sol est dur, on peut le décompacter à la grelinette, l’arroser ou, mieux, intervenir après une pluie. Une fois celui-ci ameubli, on creuse avec une bêche et on monte la butte avec la terre que l’on a pelletée. Si l’on est sur une pelouse ou une prairie, on peut enlever l’herbe ou la laisser mais, dans ce cas, il faudra bien la recouvrir de terre pour qu’elle se décompose à l’intérieur de la butte.
Pour améliorer la fertilité du sol, notamment s’il est très caillouteux, certains ajoutent du compost ou du fumier décomposé. D’autres incorporent des branchages ou des rondins de bois (selon la méthode du permaculteur autrichien Sepp Holzer).
Des formes multiples
La hauteur de la butte dépend surtout de la nature du terrain, des matériaux disponibles et des capacités de bêchage du jardinier. Si le sol est lourd et compact et si vous n’avez pas de compost, vous serez tenté de faire des petits monticules de 20 ou 30 cm de hauteur. Mais si vous pouvez faire des lits surélevés de 50 cm ou plus, ne vous privez pas. Plus ils seront hauts et plus la terre sera exposée aux rayons du soleil. Mais attention aux bords : si la pente est trop forte, elle risque d’être davantage soumise à l’érosion, surtout en sol sableux. Il peut être alors utile de maintenir vos buttes avec des bordures en bois, en pierre…
Pour bénéficier d’une bonne surface de culture, une largeur d’1 m à 1,20 m est conseillée. Au-delà, vous risquez d’avoir du mal à jardiner sur la partie supérieure. Quant aux allées entre les buttes, on peut choisir de les faire étroites, ce qui permettra de travailler à califourchon sur une planche posée entre deux buttes, ou de les espacer d’une cinquantaine de centimètres afin de pouvoir se mettre à genoux, voire de 70 cm si l’on veut passer avec une brouette.
Si la butte est orientée nord-sud, les pentes, exposées à l’est et à l’ouest, recevront davantage les rayons du soleil. Si elle est orientée est-ouest, on pourra placer les plantes de mi-ombre comme les salades sur la partie nord, et celles qui aiment le soleil (basilic, origan…) sur la partie sud.
Toutes les buttes ne sont pas disposées en bandes. On peut leur donner l’aspect que l’on veut : créer un “ados” adossé au mur d’une maison qui diffusera sa chaleur à la terre, leur donner une forme courbe, comme dans les jardins mandalas…
Une bonne couverture
Il est indispensable de bien couvrir le sol pour éviter à la terre de se dessécher. En outre, en se décomposant, cette couverture va favoriser l’activité des bactéries, des vers de terre, des insectes… et nourrir le sol. On peut la laisser en permanence ou bien l’enlever au début du printemps pour que la terre se réchauffe plus vite.
En hiver, ce paillis est intéressant pour protéger la butte des grosses pluies et empêcher le lessivage des éléments nutritifs.
Pour réaliser ce mulch, on utilise des feuilles mortes l’hiver, des tontes de gazon l’été, de la paille, des roseaux, des fougères si l’on en a. Les adventices font aussi un très bon couvre-sol. Il suffit de les couper à ras et de les laisser sécher sur la butte. De même, les parties des plantes que l’on ne mange pas (fanes de radis, de carottes, tiges et feuilles des fèves…) constituent une protection de choix, riche en azote. Mais attention si vous mettez du foin car les graines risquent de germer dans la butte !
Au fil du temps, la butte a tendance à se tasser, mais grâce à cet apport continu de matériaux, cela limite ce phénomène et améliore le sol qui se renouvelle sans cesse. En outre, un paillis épais diminue le désherbage.
Adapter sa technique de semis
La présence du couvre-sol rend le semis assez délicat. Aussi, il est souvent plus facile au début de repiquer des plants préparés en pépinière : il suffit d’écarter la couche protectrice et de creuser la terre meuble pour y implanter des salades, des choux, des poireaux… On aura aussi de bons résultats avec des semis de grosses graines (haricots, fèves), dont la plantule, assez solide, peut traverser sans peine une couverture de 5 voire 10 cm. Pour les petites graines de salades, carottes ou de radis, mieux vaut enlever la couverture ou bien se contenter d’une épaisseur 1 à 2 cm.
Si elle limite l’arrosage, cette couverture ne le supprime pas totalement et il ne faut pas hésiter à apporter de l’eau dès que les feuilles commencent à se flétrir. Le bas de la butte est plutôt plus humide et convient bien aux choux et aux salades, tandis que la terre du sommet est bien drainée, ce qui est adapté aux tomates qui n’aiment pas avoir les pieds dans l’eau.
Pour avoir une butte productive, il faut avant tout observer et s’adapter aux conditions météo. Mais l’avantage, c’est que les cultures sont concentrées sur une petite surface et que l’on peut mieux s’en occuper !
Carine Mayo