Des chaux hydrauliques, aériennes, et du stuc

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Enduits, mortier, badigeons, laits de chaux, bétons allégés…c’est le grand retour de la chaux et du stuc dans la construction. Mais attention à bien différencier la chaux hydraulique de la chaux aérienne. Sans oublier l'enduit teinté à base de chaux, le fameux stuc.
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Le choix de la chaux

Le renouveau de la chaux

Jusqu’à la révolution industrielle et l’invention du ciment, la chaux (matière poudreuse blanche) était le principal liant de la construction. Après des années de domination sans partage du ciment, elle connaît une période de renouveau, entamée dans les années 1980 avec des artisans spécialisés dans la restauration de bâtiments anciens. On se réapproprie peu à peu les savoir-faire anciens, avec un double bénéfice :

  • esthétique, car la chaux permet de réaliser les plus belles finitions ;
  • sanitaire, car contrairement au ciment, la chaux est perméable à la vapeur d’eau et laisse “respirer” les murs.

Selon la composition des roches à l’origine de sa fabrication, on distingue différents types de chaux. Pour simplifier, on distingue surtout la chaux aérienne, constituée presque exclusivement de calcaire, et la chaux hydraulique, qui contient davantage d’argile. De plus, cette dernière nécessite une température de cuisson plus élevée.

La chaux hydraulique

La chaux hydraulique naturelle, ou chaux maigre, fait sa prise plus rapidement avec l’air, mais aussi avec l’eau. Elle offre une meilleure résistance mécanique, mais sa perméabilité à la vapeur d’eau est moindre. Selon sa teneur en argile, elle est plus ou moins hydraulique (NHL 2 – 3,5 – 5). On l’utilisera pour des enduits sur supports récents (béton, parpaing…), pour les mélanges chaux-chanvre (murs ou enduits isolants), ou pour des travaux de maçonnerie. Plus le pourcentage d’argile augmente, plus la perméabilité à la vapeur d’eau diminue ; on se rapproche alors du ciment.

La chaux aérienne

On trouve la chaux aérienne en poudre ou en pâte. La chaux en poudre est très économique. En ce qui concerne la chaux en pâte, vendue en seau, elle reste un peu plus chère, mais elle est directement prête à l’emploi. De plus, elle est onctueuse et très agréable à utiliser. Obtenue par extinction de la chaux vive, elle se conserve sans limite de durée, à l’abri du gel sous une couche d’au moins 1 cm d’eau. Son utilisation nécessite en revanche un certain savoir-faire :

  • prendre des mesures de précaution car elle est très alcaline (port de gants et de lunettes) ;
  • certains adjuvants peuvent être nécessaires selon les supports (mouillants, fixateurs…).

La chaux aérienne (ou chaux grasse) fait sa prise lentement avec l’air et, après séchage, elle reste perméable à la vapeur d’eau. Sa blancheur, sa transparence, et son onctuosité permettent de réaliser les plus belles finitions : badigeons et laits de chaux, peintures, enduits, tadelakt, et même des stucs.

Réaliser un stuc à la chaux aérienne

Avez-vous dit stuc ?

Le stuc (aussi appelé “stucco” ou “marmorino”), permet d’obtenir une transparence des couleurs des différentes couches qui se mêlent, avec des effets moirés. On peut les obtenir avec du plâtre, mais les plus beaux stucs sont à la chaux aérienne. Quant aux peintures à effets marbrés, elles sont chères, ne peuvent rivaliser avec le stuc, et ne présentent généralement aucun caractère écologique. Les mêmes remarques peuvent s’appliquer aux stucs prêts à l’emploi, sauf si le liant est bien de la chaux aérienne, et si les adjuvants ne sont pas synthétiques.

Une ou deux couches ?

Ne vous laissez pas intimider par l’apparente difficulté du stuc, ni par la présence de poudre de marbre, ingrédient peu coûteux, comme d’ailleurs la chaux aérienne.

Mur fait en stuc, à base de chaux aérienne

La formule que je vous propose, et que j’ai testée dans ma salle à manger (photo), est à la portée de toute personne, un tant soit peu bricoleuse.

Il y a peu de risques d’échec, grâce à l’utilisation d’un mélange d’adjuvants prédosés. Néanmoins, l’opération prend du temps et sollicite beaucoup les bras. Vous pouvez ne faire qu’un mur pour commencer. On peut même obtenir un bel enduit fin avec une seule couche, mais sans la richesse des nuances obtenues par le mélange de deux couches de teintes, légèrement différentes.

Les ingrédients et les dosages

La couche d’enduit doit être très fine. Il faut prévoir d’en utiliser environ 1 litre au m². À ce sujet, les proportions sont données en litres et non en kilogrammes. Ce détail capital fait une grande différence dans le sens où la poudre de marbre est beaucoup plus dense que la chaux.

Chaux aérienne en poudre CL 90

Farine de marbre

Eau

Adjuvant Prédose ST

Pigments

5 litres

5 litres

4 à 5 litres

500 g

Selon teinte (<300 g)

 

Traditionnellement, les professionnels utilisaient différents adjuvants (fixatifs, rétenteurs d’eau, mouillants, stabilisants…), dosés en fonction du support, des conditions climatiques, de la durée du chantier… et de leur savoir-faire.

Aujourd’hui, ils emploient un mélange tout prêt (mis au point par un formulateur qui travaille depuis longtemps avec des artisans utilisant la chaux aérienne) : Prédose ST. La composition exacte reste un secret de fabrication, mais son fabricant assure que les adjuvants traditionnels ne nuisent pas à la perméabilité de l’enduit à la vapeur d’eau. Le liant complémentaire est de la caséine, et le rétenteur d’eau, de la méthyl-cellulose (colle à papier peint).

Quant aux pigments, préférez les terres colorantes qui offrent une large gamme de teintes, à la fois douces et chaudes. La blancheur de la chaux et de la poudre de marbre absorbe la couleur. De plus, l’enduit s’éclaircit en séchant. Faites des essais préalables.

Mise en œuvre

Il est préférable d’utiliser un bon mélangeur, à fixer sur la perceuse, pour obtenir un mélange bien homogène : d’abord à sec, puis, progressivement avec l’eau. Votre support, un mur déjà enduit ou présentant une bonne planéité, doit être préalablement nettoyé et humidifié. Attention toutefois sur du plâtre, la tenue de votre stuc risque d’être hasardeuse. Les professionnels utilisent dans ce cas un mélange de colle à papier peint, ajoutée à de la silice ou à une sous-couche d’accroche mate, souvent acrylique, mais il en existe sans solvants.

Étalez votre première couche (la plus fine possible), avec une truelle spéciale pour enduits, appelée aussi lisseuse ou platoir. Vous pouvez talocher cette première couche pour plus de régularité, et pour donner une meilleure accroche à la couche suivante. Ensuite, préparez votre mélange pour la deuxième couche en modifiant un peu le dosage des terres colorantes. Dès que la première est à-peu-près sèche, passez la deuxième couche, aussi fine, en appliquant une forte pression sur votre lisseuse pour “serrer” l’enduit. Si vous souhaitez vous en tenir là, avec des teintes claires, serrez encore une fois votre stuc dès qu’il commence à faire sa prise pour lui donner un aspect brillant. Mais si vous souhaitez obtenir des teintes plus vives, préparez un mélange d’ocres et d’eau, que vous allez passer a fresco sur votre stuc avant qu’il n’ait terminé sa prise. Pour cela, utilisez un pinceau large dans une main, et dans l’autre, serrez immédiatement (et vigoureusement) à la lisseuse, ou à l’aide d’un large couteau. Il s’agit de fixer les couleurs avec la chaux, tout en retrouvant le côté brillant.

En fin de compte, après tous ces efforts, savourez le résultat : unique, aussi doux au toucher qu’agréable à l’œil.

Pour en savoir plus :

Antoine Bosse-Platière

 

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