Tous dehors !

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S’engager pour la planète, proposer des solutions pour l’avenir… Entre coups de cœur et coups de griffes, des auteurs, autrices, acteurs et actrices de Terre vivante prennent la plume et livrent leur vision sur un thème qui les touche particulièrement. Frédéric Lisak, créateur et directeur des éditions Plume de carotte, évoque ici le lien perdu à la nature. Il est urgent de renouer ce contact et de l’approfondir. Pour le bien-être de nos enfants… et pour “former” ces adultes de demain.
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Des études prouvent que ce n’est pas en premier lieu la connaissance de la nature qui pousse à la protéger mais bien le temps passé dehors à développer ce lien émotionnel.

Cela fait environ 3,5 millions d’années que l’Humanité est apparue sur Terre. D’abord chasseurs-cueilleurs, les humains ne sont devenus agriculteurs-éleveurs que depuis environ 8 000 ans. Et cela fait seulement 200 ans qu’en entrant dans l’ère industrielle, nous nous sommes affranchis (du moins le croit-on…) de la nature, vivant et consommant dans des milieux les plus anthropisés qui soit, les villes. C’est aujourd’hui le cas de plus de 50 % de la population mondiale, et de 80 % des habitants de nos pays européens.

Mais comment imaginer un seul instant que notre mémoire collective ait pu oublier ces millions d’années de contact nécessaire et vital avec une nature qui nous nourrit, nous soigne, nous vêt, nous inspire aussi… ? Pourtant, nos liens avec la nature se sont effrités… Richard Louv, auteur américain – il a notamment écrit Last child in the wood (non traduit en français) –, a pointé que, depuis les années 1990, en moyenne, les enfants perdent chaque années 3 minutes de contact journalier avec l’extérieur !

Clairement, nous sommes globalement coupés de la nature, et nos enfants en particulier… bien souvent parce que les adultes qui les entourent construisent des cathédrales d’interdits autour d’eux. Quel parent aujourd’hui ose inciter son enfant à grimper aux arbres, à utiliser un couteau pour se tailler un sifflet de sureau, à patauger dans les flaques d’eau… ?

LE SYNDROME DE MANQUE DE NATURE

Est-ce grave ? Il semblerait : face au syndrome de manque de nature (nature-deficit disorder), ainsi nommé par le même Richard Louv, les effets délétères sont importants. De nombreuses études scientifiques ont mis en lumière les conséquences du manque de nature autant chez les enfants que chez les adultes. Troubles de l’attention, maux physiques (surpoids et autres) et émotionnels (stress et autres), diminution de la vivacité sensorielle pour ne citer qu’eux. Et que dire des études montrant que des patients dont la chambre d’hôpital donne sur des éléments naturels se rétablissent plus rapidement que ceux dont ce n’est pas le cas ?

Le premier élément de compréhension de ce phénomène est simple : le plaisir… Car quel plaisir de marcher dans un lit de feuilles automnales qui croustillent sous ses pas, de sentir le parfum d’une pêche tout juste cueillie dans un verger…
Dans la nature, les sens sont en éveil, stimulés par cet environnement direct, et cela change tout. Un lien émotionnel se crée donc avec la nature en passant du temps à son contact. D’ailleurs, des études prouvent que ce n’est pas en premier lieu la connaissance de la nature qui pousse à la protéger mais bien le temps passé dehors à développer ce lien émotionnel.

L’APPRENTISSAGE EN MOUVEMENT

Mieux encore : emmener les enfants dehors, c’est aussi leur apprendre à mieux connaître le monde vivant, à vivre des expériences directes à son contact. En extérieur, les connaissances et les émotions s’entremêlent, et s’intègrent dans l’action, par le faire, par le ressenti, le vécu. Comme le dit le proverbe, « C’est en faisant qu’on apprend ».

Et pour cela, pas besoin de contact avec une nature “extra-ordinaire” composée de girafes et de forêts vierges inaccessibles au quotidien : prenez (au hasard…) un simple petit jardin ; non seulement ce “milieu” proche offre un lien potentiellement journalier avec une nature simple, sa diversité, ses interactions, ses rythmes, mais il “oblige” à ne pas rester spectateur, à devenir acteur de son environnement, parce qu’il faut passer un minimum de temps à s’en occuper. Montrez à un enfant comment, avec un “bête” pissenlit, il peut faire un sifflet avec sa tige, un jeu avec ses graines, une figure de land art avec ses fleurs, ou encore une délicieuse salade avec ses feuilles tendres… et nul doute que le pissenlit deviendra un objet d’attention quasi continu !

Mieux connaître son milieu de vie, c’est aussi prendre conscience des autres êtres vivants qui l’habitent, petite et grande faune – fourmis, rouges-gorges, chevreuils… C’est un espace partagé avec toute une biodiversité. L’enfant peut ainsi apprendre à considérer les autres formes de vie qui évoluent dans son environnement direct. Il s’agit donc aujourd’hui de renouer ce contact avec la nature, de le prolonger et de l’approfondir, de l’intégrer à grande échelle. Car l’enjeu est de taille. Au présent, il est question du bien-être de nos enfants. À l’avenir, il est question d’une nouvelle vision du monde, pour “former” les adultes de demain à l’indispensable protection de l’environnement.

Tous dehors, donc !


Tous dehors !Frédéric Lisak a grandi dans des clubs nature et travaillé dans l’éducation à l’environnement. Il est le créateur et le directeur des éditions Plume de carotte, avec lesquelles Terre vivante a co-édité la collection Les aventuriers au jardin bio.

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