Moustique tigre : Le nouvel envahisseur ! | 4 saisons n°248

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Arrivé dans les Alpes-Maritimes en 2004, le moustique tigre est désormais présent dans quasiment tout le pays. Une vraie plaie, notamment pour les jardiniers qui tentent – un peu désespérément – d’échapper aux attaques. Pièges, huiles essentielles, chasse à l’eau stagnante, voici quelques pistes pour mieux connaître et contourner l’ennemi.

Originaire du Sud-Est asiatique, le moustique tigre est l’une des  espèces les plus invasives du monde. Il est actif le jour. Sa piqûre,  énigne en général, peut provoquer des réactions allergiques.
WikiImages | Pixabay

Corps et pattes noirs striés de rayures blanches, le moustique tigre (Aedes albopictus) ne mesure pas plus de 5 mm. Seule la femelle pique mais, contrairement à notre moustique autochtone, elle attaque toute la journée. En cas de pullulation, on peut être piqué jusqu’à cinquante fois en un quart d’heure ! Selon tous les lecteurs qui ont répondu à notre appel à témoignage (lire le complément), c’est un vrai fléau qui pourrit la vie et le plaisir du jardin.

À LA CONQUÊTE DU MONDE

Originaire d’Asie, ce passager clandestin du commerce international est désormais présent sur tous les continents sauf l’Antarctique. Il s’est installé pour la première fois en France à Menton, en 2004… et il est désormais implanté dans quasiment tout le pays. « La stratégie reproductrice du moustique tigre est d’inonder le milieu de sa progéniture, explique Grégory L’Ambert, entomologiste médical à l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) Méditerranée. Une seule femelle peut pondre de 300 à 350 œufs. Ils donnent des larves aquatiques qui se transforment en nymphes, puis en adultes, en un temps très court : six à dix jours. Aedes albopictus se contente de petits gîtes larvaires aussi bien d’origine naturelle (trous de roche, creux d’arbre, etc.) qu’artificielle (vases, pots, intérieur de pneus, caniveaux bouchés par des feuilles, etc.). Les jardins pavillonnaires, les parcs, les cimetières font partie de ses espaces de reproduction privilégiés. L’hiver, les œufs se mettent en diapause [arrêt physiologique induit par la diminution de la durée du jour, ndlr], ce qui leur permet de résister aux températures et de maintenir les populations jusqu’au printemps suivant », poursuit l’entomologiste.

Carte de présence du moustique tigre : https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine

ÉLIMINER LES LARVES

« Une fois qu’il est installé dans une commune ou un département, il est pratiquement impossible de s’en débarrasser, poursuit‑il. Nous pouvons seulement tenter de réduire la taille des populations pour rendre leur présence plus supportable. » Le moustique tigre ayant un rayon d’action de 150 à 200 m autour de l’endroit où il est né, si vous en avez un dans votre jardin, il y a probablement vu le jour. C’est pourquoi toutes les recommandations prônent en premier la destruction des petits gîtes larvaires. Mieux vaut éliminer d’emblée tous les contenants non indispensables et remplir de sable les soucoupes des plantes en pots, etc. Faites le tour de votre jardin une fois par semaine pour éliminer l’eau stagnante : les larves qui s’y trouvent ne peuvent pas survivre sans eau.
Pour les réserves d’eau d’une certaine importance, le commerce propose des films de surface en silicone qui nous laissent circonspects. Ils agissent en modifiant la force de tension superficielle, phénomène physicochimique qui permet aux insectes de se poser sur l’eau. La larve de moustique vient respirer en surface et, comme elle ne peut s’y maintenir, elle s’épuise en ramant et finit par se noyer. Mais, si une abeille – ou un autre auxiliaire – vient boire, elle se noie aussi ! Mieux vaut donc recouvrir ces réserves d’un film moustiquaire très fin, ou d’un tissu laissant passer l’eau (mais pas les insectes !), en prenant bien soin de ne pas laisser d’espace où pourrait se faufiler le moustique tigre.

LES PIÈGES SONT-ILS SÉLECTIFS ?

Les pièges émettent un stimulus qui trompe le moustique et l’attire. Il en existe trois catégories : le premier, le piège pondoir, contient de l’eau qui attire les femelles cherchant à pondre ; grâce à un système d’entonnoir, elles ne peuvent pas ressortir. Pour quelques dizaines d’euros, le système est efficace et très sélectif. Second système, le piège lumineux désoriente les moustiques la nuit et les attire mais il n’est pas sélectif. Enfin, le piège à CO2 attire les femelles qui cherchent un hôte à piquer ; un système d’aspiration les emprisonne. Créé par des scientifiques, ce type de pièges s’inspire du comportement de la femelle qui, de loin, repère sa victime humaine… au CO2 qu’elle dégage. D’autres critères prennent ensuite le relais, la chaleur et l’odeur de la peau notamment.
Josselin Rivoire, chef de rubrique aux 4 saisons, a testé le modèle BG‑Mosquitaire CO2 (marque Biogent) : « Le coût est élevé, 259 €. Il faut ajouter le CO2 (35 € pour 10 kg de CO2 + 80 € de consigne pour la bouteille). Le ventilateur fait 4 watts, soit une consommation de 6 kWh pour deux mois d’utilisation en fonctionnement continu (moins de 1 € d’électricité). Enfin, l’imitateur d’odeur coûte 17,50 € et dure deux mois. »
Ce piège est sélectif et semble efficace, mais ses résultats valent‑ils l’investissement ? « Impossible de dire si nous aurions eu encore plus de moustiques en son absence, avoue Josselin. Mais il en a vraiment capturé beaucoup, je dirais plusieurs centaines. » On peut limiter le coût en générant du CO2 : pour cela, on fait fermenter de la levure de boulanger et du sucre dans de l’eau (tutos sur internet). Et, pour l’imitateur d’odeur, Josselin suggère de tester des chaussettes sales. Mais pour l’instant, nous n’avons pas expérimenté ces dernières pistes !

LUTTER SUR TOUS LES FRONTS

Pour éviter d’être piqué, se protéger avec des vêtements et utiliser un répulsif semble assez efficace. Aux répulsifs chimiques, nous préférons les huiles essentielles (eucalyptus citronné, lavande aspic, géranium) mélangées à de l’huile végétale (olive, tournesol) additionnée d’un peu d’huile de neem, connue pour ses propriétés insecticides. Leur effet étant court, il faut les renouveler assez souvent. Les spirales antimoustiques, le marc de café brûlé et le ventilateur les éloignent aussi.
La lutte doit s’effectuer simultanément sur tous les fronts : élimination des gîtes larvaires, piégeage des adultes et protection contre les piqûres. L’espoir est dans la recherche scientifique qui travaille sur un processus de stérilisation des mâles : leur lâcher permettrait de réduire considérablement les populations de moustiques tigres, sans nuisance pour les autres espèces.

 

Danièle Boone


 

Biodiversité, notre alliée

« Un jardin bien “propre”, sans herbes folles et végétation luxuriante limiterait la présence des moustiques tigres », lit‑on souvent dans les conseils de lutte. « Les buissons ne sont que des zones de repos des moustiques tigres, dément sur son site l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle‑Aquitaine. Comme nous, ils apprécient leur fraîcheur. Les couper ne ferait pas disparaître le moustique, qui continuera à se reproduire dans le moindre petit contenant d’eau stagnante. » On ne saurait être plus clair. Les mares sont également décriées ; pourtant, pour Stéphane Campos, technicien de l’Entente départementale Rhône‑Alpes de démoustication (Eirad), elles constituent un milieu ouvert qui ne favorise pas la reproduction de ce moustique. L’étude réalisée en 2017 dans le cadre du Programme régional d’actions mares du Grand‑Est (PRAM) conclut aussi que « les mares et les étangs ne constituent pas un facteur aggravant de dispersion d’Aedes albopictus, au contraire. En effet, ces écosystèmes aquatiques stagnants peuvent se révéler riches en prédateurs qui se nourrissent des larves et adultes de moustiques, régulant les populations par lutte biologique sans que l’homme n’ait besoin d’intervenir ». Attention toutefois aux rebords des bassins qui peuvent retenir de minuscules flaques d’eau, idéales pour devenir des gîtes larvaires. Idem pour les bambous coupés qui entoureraient le plan d’eau.


Les mares ne sont pas favorables au moustique tigre, bien au contraire : elles favorisent la présence de ses prédateurs, à l’état larvaire comme adulte.
J.-J. Raynal |


 

Vecteur de maladies ?

Pour que le moustique tigre transmette la dengue ou le chigungunya, maladies dont il est vecteur, il doit d’abord avoir piqué une personne contaminée. Les premiers cas de contamination autochtones, c’est‑à-dire sans voyage préalable dans les zones connues pour être infestées, sont apparus dans le sud de la France en 2010. En 2020, il y a eu seulement quinze cas de dengue autochtone, dans le Sud. Afin d’éviter tout risque de propagation, des agents “démoustiqueurs” lancent une attaque insecticide dans un rayon de 200 m autour de l’habitation du malade, à la demande des agences régionales de santé (ARS).


 

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