Mauvaises herbes ? Utilisez-les ou arrachez-les… mais faites leur connaissance !

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S’engager pour la planète, proposer des solutions pour l’avenir… Entre coups de cœur et coups de griffes, des auteurs et acteurs de Terre vivante prennent la plume et livrent leur vision sur un thème qui les touche particulièrement. Guylaine Goulfier, rédactrice des 4 saisons, invite à renouer le lien avec les plantes sauvages, même les modestes, les laides, celles qui piquent ou qui gênent. Pour mieux les connaître et savoir les adopter… avec discernement.
Mauvaises herbes ? Utilisez-les ou arrachez-les… mais faites leur connaissance !

« L’herbe utile, l’herbe dangereuse… cette dualité nous détourne d’un autre rapport aux plantes, subtil, oublié. Et si nous cessions de jauger le végétal à l’aune de ses usages pour partir à la découverte de l’esprit des herbes ? »

« Tu vois, cette mauve, les mères donnaient sa racine à mâcher aux bébés quand ils avaient mal aux dents… » ; « Figure-toi que cette petite plante là, toute grêle, toute moche… et bien autrefois on lui vouait un culte à Rome. C’est que la verveine permettait de communiquer avec les dieux ! » … Mille et une anecdotes émaillaient la promenade du soir de Vicky, la chienne de mon grand-père. Depuis, je sais que chaque herbe que je croise recèle une histoire, un lien que je peux nouer avec elle. Même les modestes, les laides, celles qui piquent, qui grattent, qui brûlent, celles qui gênent…
Mais tout le monde n’a pas la chance d’avoir près de soi un conteur du monde végétal et ce savoir n’est plus que rarement transmis. Un comble alors que, ces dernières années, les vidéos, articles et forums mettent plus que jamais à l’honneur les plantes sauvages, vantant leurs utilisations culinaires et médicinales. Aujourd’hui, impossible de parler de “mauvaise herbe” sans être immédiatement repris : il s’agit d’une plante dont on ne sait pas se servir.

VIVE LA PLANTE-PANACÉE… À BAS LA PLANTE-POISON

La consigne est immédiate : pas touche aux herbes folles du jardin ! Elles peuvent, à priori, se manger, soigner, se transformer en potions-panacées contre les maladies et ravageurs. Ce qui est souvent vrai mais n’empêche pas les “mauvaises herbes” d’être gênantes lorsqu’elles s’étendent au milieu des plantes cultivées. Aucune herbe n’est mauvaise. Certes, mais pourquoi laisser l’ortie pousser avec les framboisiers alors que l’on peut cueillir dans des fourrés, hors du jardin, de quoi confectionner des litres de soupes, des cuves de purin ? Pourquoi conserver les renoncules à l’endroit où je veux semer mes carottes puisqu’elle garnit généreusement la pelouse ? Par ailleurs, ces usages des mauvaises herbes me semblent surévalués. Si mes ancêtres ramassaient à la sortie de l’hiver les porcelles, les picrides et autres salades amères, rugueuses, coriaces, vais-je, moi, réellement les manger autrement que de façon anecdotique ? D’autant que je ne sais pas toujours les reconnaître… On oublie souvent que ces plantes sauvages n’étaient, pour la plupart, consommées que ponctuellement ou encore à défaut. Nombre d’entre elles n’étaient que des aliments “de disette”… Qui a testé le café de gland comprend ce qu’est un ersatz.

BÉATIFICATION… ET DIABOLISATION DE LA PLANTE SAUVAGE

Cette béatification de la plante sauvage s’accompagne de son pendant : la diabolisation. Haro sur l’arum ! Il faut arracher, détruire cette plante toxique ! Qu’importe si personne n’aurait l’idée de manger cette plante de sous-bois… et si, par mégarde, un enfant la mettait à sa bouche, il la recracherait immédiatement tant elle est brûlante – la plante sait avertir de sa dangerosité. Un autre exemple de plante condamnée ? Le buddléia. On l’accuse d’être un sournois et fatal séducteur des papillons dont il assurerait le déclin. C’est dit et redit et rediffusé : « Il faut bannir cet arbuste des jardins ». Pourtant, cette croyance qui s’est installée ne repose que sur les propos mal interprétés d’une seule personne, un naturaliste belge qui s’est depuis longtemps rétracté…
L’herbe utile, l’herbe dangereuse… cette dualité nous détourne d’un autre rapport aux plantes, subtil, oublié. Et si nous cessions de jauger le végétal à l’aune de ses usages pour partir à la découverte de l’esprit des herbes ? Essayons. La chélidoine est une “herbe aux verrues” mais c’est aussi la “Grande éclaire”, dont la première fleur annonçait la lumière du printemps. Autre exemple : nymphe transformée en plante sans charme par une déesse jalouse, la menthe fut alors dotée par son amant divin d’un parfum si suave qu’il serait impossible de l’ignorer lorsqu’elle serait frôlée. Le datura, au feuillage si nauséabond, permet aux chamans de communiquer avec l’au-delà. Le lierre tressé en couronne protégeait la tête des fêtards des méfaits de l’ivresse ….
Superstitions, symboles, mythes, légendes… chaque végétal possède ses histoires qui sont autant de liens avec l’homme. Renouons avec ces plantes qui nous entourent de façon simple. Mangeons celles qui sont à notre goût, testons une ou deux tisanes douces, retirons sans scrupules les enquiquinantes. Et laissons en place celles qui ne nous gênent pas. Qui sait quel esprit elles recèlent…


Mauvaises herbes ? Utilisez-les ou arrachez-les… mais faites leur connaissance ! 1Guylaine Goulfier est journaliste – elle écrit notamment pour Les 4 saisons – et autrice de livres sur le jardinage et la permaculture. Jardinière et formatrice dans l’Yonne, passionnée d’ethnobotanique, elle présente ses expériences sur son nouveau site ohunjardin.fr

 

 

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