Pourquoi un jardin-forêt ?

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Aucun jardin-forêt ne ressemble à un autre. Ils ont tous une personnalité propre qui est le miroir de celui ou celle qui l’a conçu. Le vôtre sera, immanquablement, adapté à vos besoins et vous fournira les produits que vous aimez. Il faut avant tout viser des productions pour soi-même plutôt qu’essayer de reproduire le design et les aménagements qui ont fonctionné pour d’autres, mais qui ne correspondent pas forcément à votre contexte ni à votre situation.

Culture sur bûches de champignons shiitaké à la Forêt Gourmande. 
R. Kulik | Le guide Terre vivante du jardin forêt

Ces explications sont extraites du livre Le guide Terre vivante du jardin forêt de Rémi Kulik.

Un jardin-forêt pour la planète 

Avant de lister les avantages personnels que l’on peut en retirer, je voudrais mettre en avant d’autres intérêts qui nous dépassent et qui, à mon sens, sont d’une grande importance. Nous vivons une situation critique au niveau environnemental et climatique. Notre planète et sa biodiversité subissent de lourdes pertes. Je suis intimement convaincu que nous, humains, n’y sommes pas pour rien et que la moindre des choses serait de faire notre possible pour limiter les dégâts… Et je dis bien “limiter les dégâts” car le plan, aujourd’hui, n’est plus de les empêcher. Le réchauffement climatique et les pertes de biodiversité annoncés sont maintenant inéluctables. Mais les solutions sont là, sous notre nez, sous nos pieds, et les jardins-forêts en font justement partie.

Le stockage de carbone 

Pour produire toute la matière qui le compose, l’arbre capte du gaz carbonique dans l’air. Ce carbone est stocké soit dans son tronc, dans ses branches et dans ses racines tant qu’il est en vie, soit dans le sol au fur et à mesure de la chute de ses feuilles ou, à la fin de sa vie, quand tous ses composants rejoignent le stock d’humus du sol. Le gaz carbonique étant un gaz à effet de serre, en partie responsable du réchauffement climatique, le capter et le stocker durablement dans nos sols est l’une des solutions les plus évidentes pour limiter le dérèglement global.

La limitation de l’érosion des sols 

Par son enracinement, l’arbre maintient le sol et l’empêche de disparaitre dans les rivières puis de finir dans les océans lors des fortes pluies. Ses feuilles protègent le sol de l’impact de la pluie qui pourrait en dégrader la structure. Une fois tombées au sol, elles continuent a jouer le rôle de couverture de protection sous forme de paillage naturel. Et en raison de sa hauteur, l’arbre repousse les vents loin au-dessus du sol, limitant ainsi l’assèchement de celui-ci.

L’écosystème local 

Les arbres font de l’ombre et permettent certaines cultures fragiles ne supportant pas habituellement les canicules, de plus en plus fréquentes. Ils produisent du nectar, du pollen, des fruits, créent des habitats, des niches écologiques et tout un écosystème permettant l’existence de nombreuses espèces vivantes, ce qui représente de nombreux avantages quant à la stabilité de nos systèmes de production.

L’arbre crée la pluie ! 

Pas de danse de la pluie ou autre rituel chamanique ici, simplement une action physiologique naturelle réalisée par les arbres.

L’évaporation 

En zone tempérée et s’il ne manque pas d’eau, un hectare de hêtres émet dans l’atmosphère environ 30 tonnes de vapeur d’eau par jour durant une saison de végétation ! La surface foliaire, autrement dit la surface que représentent toutes les feuilles de l’arbre mises côte à côte, est bien plus importante que la surface que chaque arbre occupe au sol. Cela permet donc une évaporation supérieure à celle des océans.

La diffusion de composés organiques volatils 

Là ou cela devient intéressant, c’est que les arbres diffusent aussi des composés organiques volatils (COV, pour les intimes). Dans l’atmosphère, certains de ces composés jouent le rôle de noyau autour desquels l’eau se condense, sous forme liquide, ce qui engendre de la vapeur d’eau. L’arbre crée donc les nuages et, par la même, la pluie. Pour avoir une idée de ce processus, il suffit d’observer la vapeur, semblable à de la fumée, qui s’élève des forêts à certains moments de la journée, comme dans les Great Smoky Mountains aux Etats-Unis.

L’effet de l’arbre sur le vent 

Il existe plusieurs théories sur l’apparition du vent, dont celle de « la pompe biotique ». Comme nous l’avons vu, les forêts évaporent, pour une surface donnée, beaucoup plus d’eau que les océans et la condensation de cette eau crée une dépression. Pour comprendre ce mécanisme, imaginons le volume de l’eau : sous forme liquide, celui-ci est réduit au maximum et quand l’eau s’évapore, sa forme gazeuse représente un volume bien plus important. L’air humide au-dessus des forêts contient donc cette « eau dilatée » à son maximum. Quand elle se condense dans l’atmosphère, en plus de créer des nuages qui vont apporter la pluie, le volume important qu’avait pris l’eau gazeuse diminue et crée une dépression. Cette dépression attire l’air des zones ou la pression atmosphérique est plus forte vers celles ou la pression est moindre, c’est-à-dire des océans vers les continents.

Un continent couvert de forêts « aspire » donc les pluies qui jouent à « saute-foret », comme l’explique Catherine Lenne dans son ouvrage Dans la peau d’un arbre.

 

Panorama des services écosystémiques que fournissent les arbres. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.  
R. Kulik | Le guide Terre vivante du jardin forêt

 

Les productions possibles 

Un jardin-forêt est fait de différents niveaux, appelés « strates » (plus d’informations dans le livre). Dessinées selon vos goûts et vos attentes, chacune d’elles accueillera différents types de plantes : bulbes, légumes racines et tubercules, couvre-sol, plantes herbacées, buissons, arbres de toutes tailles, plantes grimpantes…

 

 

Productions alimentaires

  • Strate sol : légumes racines, plantes sauvages.
  • Strate basse (en plein soleil) : légumes, plantes aromatiques et médicinales.
  • En lisière : petits fruits.
  • En sous-bois : champignons.
  • Dans la strate haute : fruits, fruits à coque.
  • Animaux : basse-cour (dont volaille et œufs), miel et autres produits de la ruche, poisson.

Productions professionnelles

  • Ressources en semences, en boutures, en greffons.
  • Support pour stages et autres formations sur la production de plantes, de nourriture, sur la transformation, l’herboristerie, l’élevage, l’apiculture…

Et aussi

  • Bois de chauffage, bois d’œuvre, bois pour faire des manches d’outils.
  • Plantes pour fabriquer des paniers, des liens.
  • Fourrage pour nourrir les animaux ou fruits et légumes pour nourrir une basse-cour.
  • Abris et niches pour différents animaux.
  • Lieu de détente.

Bien qu’il soit envisageable qu’un jardin-forêt produise tout cela à la fois, je vous recommande de fixer des priorités, des éléments principaux autour desquels s’organisera tout le reste. Cette production principale sera le fil directeur de votre design et de la mise en place de votre projet, à commencer par la recherche d’un terrain sur lequel cette production sera possible.

La biodiversité

Le jardin-forêt génère également autre chose (là, on touche à ma corde sensible) : de la BIODIVERSITÉ ! Cette « production » constitue un socle très important sur lequel repose tout le reste : notre alimentation, notre santé, notre culture… Bref, notre existence !

Vous trouverez plus d’informations dans le livre sur les différents services rendus par la biodiversité, mais sachez déjà qu’ils sont nombreux et garants de l’équilibre général du système.

Quelques inconvénients… ou pas ! 

Le jardin-forêt est réputé pour être un lieu de production plus familiale que professionnelle. La raison en est simple : avec une telle diversité de végétaux et de productions, les différents travaux d’entretien et la récolte sont difficilement mécanisables ! Oui, mais… En révisant un peu notre vision productiviste d’une activité telle que le jardin-forêt, différents leviers peuvent permettre d’en faire une activité professionnelle.

Par exemple :

  • En jouant sur l’aménagement du jardin-forêt, avec la mise en place de haies fruitières suffisamment espacées pour laisser passer un tracteur ou tout autre véhicule capable de transporter les récoltes.
  • En installant les plantes selon leur période de production pour faciliter l’organisation des récoltes.
  • En proposant l’autorécolte à sa clientèle : pourquoi ne pas imaginer un jardin-forêt organisé comme un supermarché, ou chacun remplirait son panier au fil des « rayons » et qu’il suffirait de peser à la sortie ? La diversité, la qualité et l’originalité des produits, ainsi que des méthodes de productions respectueuses de l’environnement sont très attractives pour une clientèle de plus en plus impliquée et proche des producteurs.
  • De plus, la transformation peut permettre de valoriser certains fruits produits en quantité, et donc d’améliorer la rentabilité du projet.

Je pense que cette activité est vraiment en plein essor et que l’on ne tardera pas à voir se manifester des passionnés qui réussiront, de différentes manières, à en faire un vrai métier. Encore une fois, la seule limite sera l’imagination.

 

Rémi Kulik

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