Des activités pour jouer avec ses six sens dans la nature !

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La nature n’est pas quelque chose que l’on regarde calé dans un fauteuil, sur un écran de télévision. Le plaisir de la nature est avant tout un plaisir total qui mêle investissement physique, investissement sensoriel et jouissance intellectuelle des émotions et des savoirs : il faut aller dans la nature.

Titwane |

Ces activités sont extraites du livre Pistes de Louis Espinassous et Titwane aux éditions Terre vivante et Plume de Carotte. Un guide complet pour les parents, animateurs, enseignants… et tous les curieux de nature pour préparer sorties, randonnées et projets pédagogiques de découverte de la nature !

Randonner, cuisiner dehors, camper, se déplacer en kayak, à raquettes à neige, coucher dehors, deviner le changement de temps, préparer une soupe aux orties ou une salade de stellaires ; s’émerveiller devant un coucher de soleil ou une nuit de pleine lune, bâtir à la pause le petit feu qui réchauffe le corps ou le cœur, ramper dans la grotte, grimper, trouver le bon rythme de la marche sous le poids du sac à dos, plonger dans le lac à l’étape, barboter dans la rivière… ou simplement filer au jardin public !

Les participants à la sortie, au camp, à l’expédition, redécouvrent avec vous le plaisir de se mouvoir dans la nature, d’y développer leur corps, leurs sens, leur intelligence… de se retrouver dans et avec la nature, face aux éléments. De s’y confronter, de s’y dépasser peut-être, d’y jouer aussi avec la peur, la crainte, la maîtrise de soi.

Jouer : les six sens 

Ne nous privons surtout pas de cette approche qui reste primordiale pour l’enfant, mais aussi pour l’adulte !

On appréhende la nature, dans l’espèce humaine entre autres, dans notre société en particulier, essentiellement par la VUE (un peu par l’ouïe). Pourtant quel plaisir, quelle utilité de réactiver les autres sens, d’appréhender la nature par toute notre sensibilité : odorat, toucher, goût, ouïe, vue. Et pas uniquement lors des « activités faites pour ça » ! C’est toute une attitude à développer pour soi et pour nos compagnons, quand on est dans la nature, quelle que soit l’occasion, le thème, la méthodologie. Balade, étude, randonnée… Écouter, observer, sentir, caresser, toucher, goûter…

Toucher 

  • Les joues ! Surtout la nuit, les joues sentent les variations au cours d’une balade : le chaud de cette petite cuvette, la touffeur humide, le froid sec qui prend sur la butte, la petite brise fraîche ou tiède qui se lève…
  • L’intérieur des narines qui capte le froid sec d’une nuit d’hiver pleine d’étoiles.
  • Plus classique, les doigts : palper, caresser.

Écorces d’arbres, roches, champignons, tiédeur râpeuse des roches ensoleillées. Original : la géologie, c’est la caresse du miroir de faille qui indiquera le sens de glissement des compartiments.

  • Fin… et délicieux : quand la corne des doigts se devine trop grossière pour apprécier une douceur, une délicate rugosité, utilisez le haut de la lèvre supérieure !
  • C’est au toucher, doigts ou haut des lèvres, que l’on distinguera la plume de rapace diurne ferme et lisse, et celle de la chouette ou du hibou à la surface nettement velouté, presque molle au toucher.
  • Pieds nus dans l’herbe, le sable, la litière, la tourbière, le ruisseau en été, etc.

Fermer les yeux, sieste, visage baigné par le soleil. Eaux, bains, pieds ou mains dans l’onde. Tout ça quoi !

Sentir

  • Odeurs « cueillies » au hasard de la progression ; magie, entre autres, des balades nocturne : pins, fumier, chêne, bois fraîchement coupé. Fleurs, gaillets croisette, feu vif ou odeurs de cendres froides, odeur de renard saisie sur son passage…
  • Odeurs recherchées, pour identifier, pour le plaisir : menthes, serpolet, thym et toutes les « méditerranéennes » : œillet, bois-joli, daphné camélée, gaillet croisette à odeur de miel, érine des Alpes, mais aussi hellébore fétide ; champignons également, de l’odeur d’anis à la puanteur « originale », odeur du phallus impudique (un champignon) !
  • Insectes surprenants : punaises, certains coléoptères.
  • On sent la fleur, on froisse la feuille entre ses doigts, toute une gamme d’odeurs se développe, différentes, originales, communes…
  • L’odeur de poivron du daphné lauréole, l’odeur entêtante du sapin de Douglas, l’odeur cherchée près du terrier occupé ; l’odeur caractéristique de la crotte de sanglier. Certains reconnaissent à l’odeur crotte de martre ou de fouine. (Les enfants d’Afrique du Nord en particulier qui, souvent, y décèlent sans hésitation l’odeur de henné.)

Écouter

Chants et cris des oiseaux bien sûr, mais aussi tous les murmures de la forêt ou des ondes. Parmi les plaisirs de l’approche des bêtes sauvages : marcher sans bruit, écouter, détecter, interpréter craquements et souffles. Savez-vous reconnaître l’écureuil à ses « piaillements » ? Il n’est pas loin alors, et certainement visible. Qui agite ainsi les feuilles mortes du sous-bois ? Merle, mulot, hérisson ou « grosse bête » ? Suspense, interprétation, approche…

Savez-vous qu’on peut « diriger » son ouïe comme ses prunelles, faire tourner son écoute. On la fait « rouler » dans l’oreille dans les directions choisies sans bouger la tête. Ensuite, on ouvre la bouche en conque, on met les mains en « feuille de chou » derrière les oreilles, on tourne la tête dans l’axe recherché. Ça marche !

Goûter 

Mâchonnez les petites racines blanchâtres de la benoîte urbaine… Surprise ! Cuisine raffinée ou… dentiste ? Nous avons là, la même molécule que dans le clou de girofle.

Mâchouillez, plus classique, tige et feuilles d’oxalis… et découvrez une saveur délicatement acidulée. Goûter, grignoter, brouter au fil de la balade… Plaisirs simples et exquis du grignotage… mais PRUDENCE, tout n’est pas comestible !

Regarder… perpétuellement !

Observer bien sûr. Mais aussi changer les regards, provoquer l’étonnement, l’émerveillement en regardant différemment. Et puis tous les paysages inhabituels (de nuit, de nuit sous la lune, aubes et crépuscules, nuages et brouillards qui se déchirent, après la pluie, etc.) d’autant plus merveilleux que d’autres sensations viennent alors enrichir le plaisir visuel : odeurs de terre mouillée, « bruit du silence », etc.

Sixième sens !

Il existe bel et bien très scientifiquement (mais ciel, quel nom !), le sens kinesthésique. En résumé c’est : mon corps dans l’espace, l’équilibre, la marche, la course, etc. Oui, l’animation nature, c’est aussi ça. S’il y a une connaissance totale c’est bien celle de la nature, et connaître c’est d’abord mesurer, éprouver, de son corps.

Randonner, « traverser », s’installer dans… Chercher le cœur de la forêt, ce qu’il y a derrière ce roncier, au centre de cette plantation, chercher à « traverser » chacun pour soi d’un chemin à un autre. Rien que cela, c’est déjà imaginer, rêver, courir, sauter, marcher à quatre pattes sous un tronc, se glisser entre les lianes, se piquer aux épines et passer quand même, et puis écouter, réfléchir, se repérer, se situer dans l’espace. Cela peut déboucher très vite sur la lecture de carte. Mais aussi, discrétion de l’accompagnateur, il s’agit de susciter seulement, d’organiser les possibilités pour le groupe d’enfants d’investir la nature, d’y fabriquer son histoire, son petit monde.

 

 

Mais encore

Et, bien sûr, toutes les activités qui s’amorcent à travers un déplacement : marche, vélo, canoë, raquettes. Laissez l’activité physique se dérouler, dans la durée, laissez vos compagnons pénétrer le milieu, faire physiquement co-naissance.

Apprendre avec son corps en mouvement

Mes pensées s’endorment si je les assieds. Mon esprit ne va si mes jambes ne l’agitent. Montaigne

Ce que nous disent les chercheurs : de jeunes rats privés de jeu, d’action, de mouvement, dépérissent et meurent. De jeunes singes élevés « dans le béton » voient leur cerveau s’atrophier, des parties de celui-ci ne jamais se développer, alors que leurs congénères élevés dehors (branches, cascades, relief, creux…) voient le volume de leur cerveau augmenter, la longueur et le nombre de leurs connexions neuronales se multiplier considérablement. Leur sociabilité et leurs performances cognitives augmentent aussi de façon significative.

Des tests rigoureux comparant de jeunes élèves classiques et des enfants faisant l’école dehors dans les bois un à quatre jours par semaine montrent que les seconds à égalité de scolarisation, ont des performances plus développées sur : la psychomotricité, la sociabilité (tolérance à l’autre, actions collectives), la créativité, les compétences cognitives et… le goût pour l’école !

Seule la dextérité (motricité fine) est égale chez les deux types d’élèves. Une classe découverte (dehors, corps en mouvement, rapport cognitif au réel, à la nature) montre une majorité d’élèves améliorer de 30 % (en une semaine !) leurs compétences en mathématiques et en français.

Les mouvements et l’esprit participent d’un cycle sans fin ; on peut attribuer la naissance de l’esprit au contrôle par le cerveau du mouvement organisé. A. Damasio

D’après A. Damasio, chercheur en neurosciences, spécialiste de l’esprit, de la conscience et des sentiments, et G. Rizzolati, découvreur des neurones miroir et des neurones bimodaux : « On peut estimer que le corps est le rocher sur lequel s’établit le “premier soi” ; et celui-ci le pivot autour duquel tourne l’esprit conscient. » « Le cerveau humain est un cartographe né, et cette cartographie débute par celle du corps. »

Le système moteur ne saurait être confiné à des tâches exécutives… [Il] joue un rôle décisif dans la constitution du sens des objets sans lequel une grande partie des fonctions dites cognitives “d’ordre supérieur” pourraient difficilement avoir lieu. G. Rizzolati

On ne peut vraisemblablement ni penser, ni aimer pleinement sans l’action corporelle : sortez-les, faites-les bouger, marcher, courir, observer, grimper, patouiller, bricoler, construire, goûter, éclater de rire, sauter de joie ; ils apprendront mieux, ils aimeront plus la vie et les autres !

 

Louis Espinassous et Titwane

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