Banc d’essai BRF : jardiniers, raccrochez-vous aux branches !

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Le centre Terre vivante et nos lecteurs ont poursuivi les tests sur le BRF (rameaux broyés), pour analyser leur impact sur les sols. Résultats.
Expérimentation BFR: jardiniers, raccrochez-vous aux branches ! 1

Le BRF est un mélange de rameaux verts de bois broyés, il offre un couvre-sol équilibré, riche et assez durable.  
JJ. Raynal |

L’avenir de nos jardins est-il dans les branches de nos haies? L’an dernier, à la même époque, nous faisions état des premiers résultats d’essais sur les BRF (bois rameaux fragmentés) réalisés par une quarantaine de jardiniers, abonnés de la revue. Démarrés en 2006, ces essais se sont poursuivis en 2007, par les mêmes jardiniers qui ont pu ainsi nous faire partager deux années d’expériences. Et par quelques-uns qui nous ont rejoints entre-temps… Une trentaine sont allés jusqu’au bout, nous livrant leurs observations, quelques questions et des pistes pour utiliser au mieux ces fameux BRF.

Les modalités de l’expérimentation

Nous avions proposé aux jardiniers expérimentateurs de disposer côte à côte une parcelle d’essai et une parcelle témoin : la première recevant les BRF début 2006 (mais pas en 2007), la seconde recevant chaque année du compost ou un engrais organique du commerce, avec les mêmes cultures dans les deux cas.

Les résultats de l’expérimentation

Les résultats, comme souvent dans les expérimentations dans les jardins, ont été contrastés. En résumé, on observe des résultats globalement positifs : davantage de vers de terre, moins de mauvaises herbes, une meilleure absorption de l’eau…

Les résultats sont meilleurs dans les terres les plus fragiles (sols limoneux par exemple) ; dans les terres argileuses, il semble que les BRF peuvent aggraver la présence de limaces. Enfin, plusieurs lecteurs utilisent les BRF comme paillage, sans jamais les incorporer au sol.

Première année (2006) : était notamment demandé aux jardiniers expérimentateurs d’observer l’évolution du sol, la présence de vers de terre, la nature et la densité des mauvaises herbes.

  • C’est dans les terres les plus fragiles (type limoneux par exemple), voire jamais jardinées auparavant, que les résultats sont les plus éloquents : la terre est plus grumeleuse, plus facile à travailler ; les racines des plantes s’y développent davantage.
  • Dans quelques cas, les jardiniers ont observé davantage de vers de terre.
  • Il y a en général moins de mauvaises herbes. Dans tous les cas, elles sont plus faciles à arracher.
  • Les jardiniers ont remarqué une meilleure absorption de l’eau lors des pluies ou des arrosages, peu de ruissellement et de marquage de la terre sur les planches ayant reçu des BRF.

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Le BRF (rameaux verts fragmentés) est souvent confondu avec le broyat de bois.  
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Deuxième année (2007) : quelques témoignages illustrent des résultats inégaux, à cause de la nature des sols cultivés et de la météo de 2007, avec des pluviométries importantes.

Les retours des lecteurs

Quelques témoignages illustrent des résultats inégaux, pour deux raisons principales: la nature des sols cultivés et la météo en 2007, avec des pluviométries importantes.

André Faivre du Paigre vit dans la Sarthe. « Ma terre est naturellement facile à travailler. Pourtant, elle s’est transformée sous l’action des BRF, plus douce au toucher. J’ai eu, lors de la deuxième année, des résultats comparables sur les cultures testées ( tomates et poireaux ), mais la différence est que je n’ai rien apporté sur la planche BRF depuis 2006. Quelle économie! »

Chez Dominique Cosson, en Dordogne,  des filaments blancs sont apparus rapidement, signes du développement attendu des champignons du sol et d’une forte présence de vers de terre (par rapport à la parcelle témoin). «Dans ce type de sol, le bêchage à l’automne reste indispensable ; le BRF ne peut pas tout. Il me paraît également évident de conserver une partie du potager sans BRF, afin de pouvoir y faire les semis de printemps, qui souffrent trop des limaces si le temps est humide. »

Jean-Marie, lecteur des 4 saisons semble conquis par le BRF. «Cela fait 3 ans que j’utilise le BRF je ne vois que des avantages, ( moins d’arrosage, terre plus meuble, moins de mauvaises herbes, les plantes poussent plus vite…) lorsque les morceaux de BRF sont un peu piquant il y a même moins de limaces!»

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À Terre vivante, les allées sont protégées avec du BRF, qui empêche l’enherbement.  
JJ. Raynal |

Et si BRF rimait avec paillage?

Plusieurs jardiniers nous ont interpellés sur l’utilisation des BRF au pied des petits fruits ou des arbres fruitiers. Certains les utilisent, mais sous forme de paillage.

Isabelle Marre, dans le Vaucluse, épand les BRF en mulch sur 5 cm d’épaisseur. « Le broyat de lande et de garrigue, composé de buis et de genévrier, conserve très bien la fraîcheur, la terre reste souple et légère et ne forme pas de croûte. » En Isère, Georges Magnier le met en surface, au pied de certaines plantes aromatiques et en bordure : « Un excellent désherbant ! »

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Mais c’est du côté de Daniel Chollet, installé en région parisienne, que nous sommes allés prendre conseil. Cet ancien paysagiste utilise les broyats de branches en mulch depuis… trente ans. Il a ainsi restauré un vieux verger conservatoire (1 hectare, 500 pommiers, 100 variétés! ). Au départ, il épand du lithothamne sur un sol compact 1, puis du terreau de feuilles sur une épaisseur de trois centimètres 2. Le tout recouvert par un mulch de BRF (cinq centimètres) 3. Les arbres les plus abîmés reçoivent du purin d’ortie dilué. En quelques années, ces arbres ont retrouvé une seconde vie. Pour Daniel Chollet, l’essentiel est de protéger la terre par un paillage permanent, renouvelé chaque année à l’automne. Depuis cinq ans, c’est dans ses jardins potagers qu’il met cette technique en application, utilisant tour à tour en paillage des BRF frais, seul ou avec du terreau de feuilles, sans être jamais incorporés au sol.

Les BRF à bon escient

Ces différents témoignages illustrent la difficulté d’enfermer la pratique des BRF dans un seul schéma de pensée. C’est le débat que soulève l’un des participants à nos essais, Dominique Coltiner, connu notamment pour ses livres sur l’agronomie des sols et sur les haies champêtres.

Depuis des années il teste des mulch de toutes sortes de matériaux organiques, compost, feuilles mortes, foin… Une couche de quelques centimètres d’un compost de déchets verts fermenté à chaud (donc sans graine capable de germer) permet de faire des semis en toute tranquillité, sans sarclage. Un épais mulch non ligneux de feuilles mortes et de foin a donné des résultats spectaculaires sur une ancienne prairie. «Si j’incorpore des BRF, si peu que ce soit, la terre ramenée en surface contient des graines “de mauvaises herbes” : il faudra alors sarcler. Si, au contraire, je recouvreces BRF d’un mulch de feuilles mortes, de tontes de gazon, l’absence de levée est totale.»

En 2008, nous continuons!

Pour approfondir la question, nous avons décidé la mise en place d’un jardin d’essai au Centre Terre vivante pour comparer différentes façons d’apporter des matières organiques au sol: mulch permanent de terreau de feuilles, mulch de compost, BRF avec incorporation… Et vous, amis jardiniers, persévérez!

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Un broyeur à végétaux est indispensable pour faire son BRF, deux bancs d’essais ont été réalisés, à retrouver dans les expérimentations.  
JJ. Raynal |

Des essais dans votre jardin!

Que vous ayez ou non déjà testé les BRF dans votre jardin, nous vous encourageons à le faire.

Broyage et épandage : privilégiez le broyat de feuillus, réalisé entre l’automne et le début d’hiver; épandez-le aussitôt (3 cm maximum). Un travail du sol préalable (bêchage) est indispensable dans les sols argileux. L’incorporation se fait en avril, à la griffe, dans les premiers centimètres du sol. Pour que l’essai ait un sens, pensez toujours à garder une parcelle témoin, portant les mêmes cultures.

Observez et notez : présence de vers de terre, de mauvaises herbes, qualité du sol (grumeleux ou non, facilité à travailler…) ; impact de l’eau (ou de son manque!),résultats sur les cultures…


Les BRF à Terre Vivante

Depuis 2006, la technique des BRF est testée dans les jardins de Terre vivante, sur des planches de culture, toujours en comparaison avec un témoin recevant du compost. Le sol est travaillé auparavant à la grelinette.

Deux essais ont été menés:

  • le premier dans une terre jardinée depuis une quinzaine d’années;
  • le second sur une terre de remblai, au pied de nouveaux bâtiments.

Dans le premier cas, la parcelle BRF moins de mauvaises herbes; les cultures (poireau) sont moins attaquées par les campagnols. Mais aucun effet significatif n’a été observé sur la vigueur des plantes.

Dans le second cas, la terre pâti des fortes précipitations d’avril-mai: le sol, plus facile à travailler côté BRF que côté compost en début de saison, est ensuite devenue plus collante ; plus on va en profondeur, plus elle est compacte et difficile à travailler; à l’automne, à l’arrachage des poireaux, la terre reste plus “motteuse” côté BRF.

Pas de conclusions définitives mais il semble que dans ce type de sol, très argileux, le BRF n’apporte pas une réponse suffisante pour améliorer une terre sensible au compactage et aux intempéries, du moins en si peu de temps.

L’expérience acquise dans les jardins de Terre vivante depuis quinze ans pour transformer une friche en terre fertile montre qu’il faut environ cinq ans, avec des méthodes respectant le sol.

En 2008, les essais continuent, avec notamment un suivi approfondie ce qui se passe sous terre : vie biologique, effets sur la structure,perméabilité à l’eau…


 

Rémy Bacher